Lola lit Par la force des choses

Par la force des choses par NortonLisa a fait un mariage de raison et a eu Céleste, un unique enfant. Un jour, lors d’un spectacle de l’école, elle croise le regard d’un homme qu’elle reconnait immédiatement. Le 12 juillet 1998 alors que la France entière fêtait la victoire de son équipe de foot, Lisa a vécu un moment inoubliable, une nuit magique, perchée sur un abribus avec un inconnu. Séparés par la foule au petit matin, ignorant tout l’un de l’autre, ils ne s’étaient jamais revus jusqu’à ce spectacle. Cette fois, le hasard pousse Lisa et Victor dans les bras l’un de l’autre et leur amour est passionnel, il va bousculer et bouleverser leur vie et celle de leurs familles. On parle d’amour qui balaye tout sur son passage, de certains choix qui se font par la force des choses, dictés par la morale, les contraintes, enfants, familles, boulots… L’amour, certains lui sacrifient tout, d’autres le sacrifient. 552 pages de passion, d’attente, d’impatience, de lutte, de choix, de sacrifices, de douleur, de déceptions… que je n’ai pas réussi à partager avec les personnages. Peut-être que cette passion ne méritait pas autant de sacrifices finalement. Ce n’est pas mon roman préféré de Claire Norton, ça avait pourtant plutôt bien commencé…


Par la force des choses / Claire Norton – Editions Robert Laffont – septembre 2023 – 552p

Lola lit L’enfant dans le taxi

L’enfant dans le taxi est adolescent et il a parcouru plus de 1000 km pour aller à la rencontre de son père qu’il ne connait pas. M est un enfant illégitime, un bâtard, né des amours de Malusci le grand père du narrateur et d’une jeune allemande en 1945. Bien des années plus tard, lors de l’enterrement de son grand-père, Simon apprend l’existence de cet oncle caché et veut aller à sa rencontre malgré la promesse faite à sa grand-mère d’abandonner immédiatement ses recherches.

Dans ce roman, pas de grands cris, ni de scènes, pas de reproches ni de rancœur et malgré le silence qui entoure l’existence de M. Simon se trouve des alliés qui ont connu et reconnu l’enfant, l’ont accueillis et sont restés en contact. Du lac de Constance au sud de la France en passant par l’Algérie, Simon mène l’enquête.

Un roman élégant et plein de pudeur ; Simon est parcouru d’émotions évidemment comme dans tant de secrets familiaux, surtout qu’il est tout juste séparé de son épouse qu’il continue d’aimer, mais ses émotions sont discrètes et toute en retenue comme l’écriture. Une histoire inspirée de celle de l’auteur qui explore une situation peu exposée : en Allemagne, après 45, « des centaines de milliers d’enfants nés de viols ou d’amours lors des invasions, des occupations et des captivités, sont laissés pour compte ». En France, les « enfants blonds » ou « enfants de boche », nés dans les mêmes circonstances mais de mères françaises et de soldats allemands sous l’occupation entre 40 et 44, sont estimés à plusieurs dizaines de milliers. Il existe des associations où Simon aurait pu trouver de l’aide.


L’enfant dans le taxi / Sylvain Prudhomme – Editions de minuit – aout 2023 – 224p

 

 

 

Lola lit Les dés ♥

Début des années 1900 – Istanbul.
Ziya est le cadet d’une fratrie de 3 garçons. L’aîné, Arif Bey est un caïd redouté et son petit frère l’admire. Mais un jour, Arif est assassiné par un albanais d’un clan ennemi. Hakkî, le benjamin doit sauver l’honneur et venger son frère, mais il ne peut se résoudre à risquer sa vie. Alors le jour du procès, Ziya, en rage, abat de sang-froid l’assassin de son frère. Trop jeune pour être pendu, il n’a que 16 ans, il est emprisonné à perpétuité. Après une année difficile qui endurcit encore son caractère, Ziya qui ne craint plus rien, ni personne, s’évade de prison grâce à des complicités politiques. Le jeune homme est caché en Egypte où il vit libre mais reclus dans une cabane sur le domaine d’un Pacha (dont j’ai oublié le nom). Le médecin dudit Pacha vit sur place avec sa fille Nora, une jeune fille qui trouble Ziya, et lui entrouvre un monde de douceur. Mais le jeune garçon n’est que rage et violence, le sentiment d’amour lui est étranger et il a du mal à comprendre ses émotions qu’il refoule. Un jour Nora doit rentrer en France et Ziya, de détresse, s’enivre toute la nuit et rate le départ de celle qui comptait tant pour lui. Bientôt la vie se rappelle à Ziya qui doit retourner à Istanbul et prendre la place de caïd laissée par Arif. Ziya est un personnage sombre, dur, qui ne craint pas la mort, ni la sienne, ni celles des autres. La violence qui l’habite et qu’il essaie pourtant de contenir est si puissante, qu’elle fait de lui un homme redoutable et redouté.
L’auteur autopsie son personnage, et nous fait pénétrer dans la psyché tourmentée de Ziya avec une écriture ciselée, sans superflu. 208 pages intenses, maitrisées et néanmoins abordables : la noirceur est dans le personnage pas dans l’écriture.
J’ai beaucoup aimé ♥


Les dés / Ahmet Altan – Editions Actes Sud – octobre 2023 – 208p 

traduit par Julien Lapeyre de Cabanes

Lola lit Triste tigre ♥

Je n’ai pas lu un récit, ni un témoignage, ni un essai. J’ai eu l’impression de « lire » un peu tout ça mélangé, une conversation, une réflexion, comme si l’autrice me parlait de l’inceste, à travers son expérience bien sûr, mais aussi en citant quelques autrices, d’autres écrits, d’autres histoires. L’autrice m’a livré, en toute sincérité et avec vérité, ce qu’elle pensait de l’inceste, comment il pouvait être vécu, comment il « construisait » les victimes, le tout avec une certaine distance d’où s’échappe parfois, toute maîtrisée, la douleur d’une femme qui regarde la petite fille qu’elle a été.

J’en ressors tourneboulée parce que je n’arrive pas vraiment à mettre de mots sur cette lecture prégnante. D’habitude, les histoires d’inceste me bouleversent, me mettent en rage, me laissent pantelante (parce que j’ai 4 enfants, 2♀ et 2♂ ?). Mais Triste tigre est différent, parce qu’on sent que ce n’est pas une thérapie, ni un désir de vengeance, ce n’est pas pour se consoler, ni pour enseigner, il n’y a pas de compte à régler, c’est juste posé là pour être lu et ça résonne pour moi dans cette phrase page 113  » Je suis comme ci et comme ça, et tous ces ci et ça dérivent directement de l’enfance que j’ai eue. »


Triste tigre / Neige Sinno – Editions P.O.L – aout 2023 – 288p

Lola lit Humus

Kevin et Arthur sont étudiants ingénieurs en agronomie à AgroParisTech Saclay. Suite à une conférence de Marcel Combe, spécialiste mondialement reconnu, sur les lombrics, les deux nouveaux amis se passionnent pour la géodrilologie, la science des vers de terre. Ils décident tous les deux d’y consacrer leur carrière et leur vie. Mais les deux amis vont prendre des chemins différents pour redorer l’image des lombrics : la rencontre avec la bobo Philippine permet à Kevin de monter une start up spécialisée dans la gestion des déchets par les vers de terre. Arthur quant à lui s’installe avec Anne chez son défunt grand-père, agriculteur empoisonneur, pour redonner vie à la terre. Quand Kevin s’embourbe dans le capitalisme, l’argent, le mensonge, Arthur se désole que sa terre ne reprenne pas vie malgré toute l’énergie et l’enthousiasme qu’il y consacre. Les chemins des deux amis vont se croiser pour aussitôt se séparer et se croiser encore…

Tout d’abord, j’ai appris quantité de choses dans ce roman : sur les vers de terre bien sûr mais aussi sur l’agroécologie, le capitalisme vert… J’ai aussi découvert de nouveaux termes, comme Les Bifurqueurs (j’avais entendu parler du mouvement mais j’ignorais son nom). Et même si certains longs passages sont trop techniques et très ennuyeux, même si les personnages ne sont pas du tout attachants voire décevants, l’ensemble fait réfléchir, jusqu’à la fin que je n’aurais pu/voulu imaginer.


Humus / Gaspard Kœnig – Éditions de l’Observatoire – aout 2023 – 384 p

Lola lit Les silences des pères

Amine est un pianiste renommé sollicité dans le monde entier. Lorsqu’il apprend le décès de son père, il doit se rendre auprès de ses sœurs, à Trappes, la ville de son enfance, 22 ans après l’avoir quittée avec la ferme intention de n’y jamais revenir ; Amine espère que ce sera une formalité, il a un concert important et n’a pas envie de s’éterniser. Mais il découvre par hasard, dissimulés derrière le tablier de la baignoire, des cassettes audio et un magnéto. Il écoute alors la voix de son père qui raconte sa vie en France de 1965 à 2006, à son propre père resté au Maroc. Cette voix qu’il a si peu entendue le bouleverse. Son père s’entourait de silence, Amine avait l’impression qu’il ne s’intéressait pas à lui. Le fils part alors sur les traces de son père, à la rencontre de ceux qui l’ont croisé, accompagné, aimé. Il comprend alors de quoi les silences paternels étaient faits.

Un roman sur la relation entre un fils et son père mais aussi sur l’immigration et la mémoire. Amine apprend ce que son jeune père a vécu en arrivant en France : les humiliations, la dureté du quotidien, l’exil, la solitude, le sacrifice mais aussi l’amitié, la solidarité, le compagnonnage. Amine découvre son père, l’énergie de son père, son humour, sa verve, ses engagements, sa tristesse aussi d’avoir dû abandonner un amour, sa déception.

Un texte bouleversant, plein de pudeur et de justesse ! 

Avez-vous lu son roman précédent Voyage au bout de l’enfance ? Sublime !


Les silences des pères / Rachid Benzine – Editions du Seuil – aout 2023 – 176p

Lola lit Les naufragés du Wager ♥

En aout 1740, le Commodore Anson reçoit l’ordre du roi Georges II de pourchasser un galion espagnol dans les eaux du Pacifique pour piller son trésor. C’est l’époque de la Guerre de l’Oreille de Jenkins qui oppose, principalement dans les Caraïbes, les royaumes de Grande Bretagne et d’Espagne. A la tête d’une escadre de 6 navires de guerre et 2 de transports, le Commodore Anson entame alors un périple semé d’embûches. David Grann, l’auteur, journaliste à The New Yorker et écrivain, concentre son récit sur le naufrage du Wager qui, le 14 mai 1741, après avoir franchi le Cap Horn, se retrouve isolé du reste de la flotte et s’échoue sur une petite île hostile et glacée de Patagonie. Les survivants, capitaine, officiers, marins, militaires, canonniers vont affronter des températures glaciales, le manque de nourriture et d’eau, les maladies, les tempêtes, les vengeances, les meurtres et les mutineries. 3 clans se forment et prennent des décisions différentes. Et c’est ainsi que le 28 janvier 1742, 283 jours après le naufrage, une trentaine de marins affamés et malades débarque sur les côtes du Brésil avec à leur tête le charismatique canonnier Bulkeley qui livre sa version des faits en haut lieu. Mais en mars 1746, un nouveau rebondissement dans l’affaire du naufrage du Wager alors qu’un bateau accoste dans le port de Douvres avec à son bord, le capitaine Cheap, l’enseigne Byron et le lieutenant des marines Hamilton abandonnés sur l’île patagone par Bulkeley et ses hommes et qui ont une toute autre version des faits. La guerre est déclarée ! Car chacun risque la peine de mort pour mutinerie, insubordination, rébellion, désobéissance et autres manquements au code maritime. Les rescapés vont devoir s’affronter à coup de journaux de bords, de preuves écrites, de témoignages.

J’ai adoré ! Tous les faits relatés sont véridiques, issus des recherches pharaoniques entreprises par l’auteur. Une fiction non narrative (ou littérature du réel), un genre qui raconte des faits réels sous une forme littéraire. Et ça fonctionne très bien tant on s’y croirait. Après les naufragés du Bounty, les naufragés du Wager. Un excellent livre d’aventure !


Les Naufragés du Wager / David Grann – Editions du Sous-sol – aout 2023 – 432 pages

traduit de l’anglais (États-Unis) par Johan-Frédérik Hel Guedj

Lola lit Casablanca Circus

Casablanca Circus par Chami-KettaniMay et Chérif nés au Maroc, ont étudié à Paris. Histoire pour l’une, architecture pour l’autre, tous deux décident de retourner dans leur ville d’origine lorsque May tombe enceinte de leur deuxième enfant ; Casablanca verra donc naître Selma, leur petite fille tant attendue et à laquelle May qui tient un journal de grossesse, écrit chaque jour. En arrivant au Maroc, Nessim un lointain cousin propose à Chérif de travailler sur le projet de réhabilitation d’un bidonville qui défigure la ville. Une chance pour Chérif et son ami Pierre qui voit en ce projet une opportunité de faire connaitre le cabinet d’architecture qu’ils comptent installer. May n’est pas du même avis ! Où vont aller les habitants du karyane d’El Bahriyine ? May est allée à leur rencontre et a découvert la vie des bidonvillais que ce projet de recasement ne leur convient pas. Chacun d’eux a organisé sa vie dans le bidonville et survit grâce à des petits boulots (pêcheur, chiffonnier, couturière, la solidarité y est importante, la promiscuité de la ville et de l’océan aussi. May s’attache à plusieurs d’entre eux, essaie de détourner Chérif de ce projet qu’elle réprouve.

Un roman qui aborde plusieurs thèmes en mêlant l’individuel et le collectif : le retour dans un pays d’origine, les différences culturelles, les rapports homme/femme, les désaccords profonds dans le couple, le délitement de l’amour, mais aussi la métamorphose des villes qui se tournent vers l’extérieur, comment un projet politique qui a l’air bienfaisant, reloger des habitants de bidonville dans des logements neufs et équipés, peut se révéler néfaste pour ces individus déjà fragiles. En intercalant les pages du journal de grossesse, l’autrice permet au lecteur d’entrer dans l’intimité de May et ajoute de la sensibilité au texte. Une lecture très intéressante mais qui se mérite car l’écriture n’est pas aisée avec des phrases complexes et longues (parfois une demi-page).


Casablanca Circus / Yasmine Chami – Editions Actes sud – aout 2023 – 208p

Lola lit Et vous passerez comme des vents fous ♥♥♥

C’est une photo sépia qui aurait donné naissance à ce roman ; on y voit face à face, très proches et presque de la même taille, un homme qui tient un ours debout enchainé et muselé et le regarde avec un mélange de domination et d’amour. L’autrice Clara Arnaud, grande voyageuse, a posé son intrigue dans les Pyrénées, plus exactement dans le Couserans un pays de montagnes autour de Saint Girons, où l’on suit le temps d’une estive, Gaspard un berger expérimenté et Alma, une éthologue passionnée qui, pour un programme du Centre national de la biodiversité, doit pister la Negra, une ourse de stature exceptionnelle et ses deux oursons, observer leur comportement, enquêter, collecter des traces pour comprendre, expliquer et trouver des solutions à la prédation qui excite la haine des éleveurs et de certains bergers. Gaspard lui mène les bêtes vers les hauteurs depuis plusieurs années, il aime cette parenthèse, la solitude et les conditions extrêmes qui l’accompagnent durant ces mois d’estive. Mais cette année la peur s’est invitée, l’angoisse étreint Gaspard qui revit l’accident mortel de l’an passé. Le roman s’ouvre sur la capture d’un ourson par le tout jeune Jules qui se rêve montreur d’ours et obtient, au début de l’été 1887, son carnet de saltimbanque, fameux sésame, qui lui permet de se produire avec son ourse dans toute la France. Mais Jules a des rêves plus grands et veut conquérir l’Amérique, il quitte sa maison d’Arpiet sans se retourner.

Un roman passionnant, romanesque et très bien documenté ! Une histoire portée par des personnages riches et attachants dans laquelle l’ours cristallise passion et haine encore et encore, comme au temps des Orsalhèr (montreurs d’ours) qui furent légion au XIX siècle dans cette région pauvre où une école avait même été créée. L’ours a toujours fasciné, il est tantôt animal sanguinaire tantôt peluche destinée à cajoler les enfants. La réintroduction de l’ours brun dans les Pyrénées, tout comme le retour du loup a réveillé des peurs ancestrales bien compréhensibles. Ce roman expose avec clarté la situation, s’interroge et ne prend pas partie sauf contre les extrémistes, les agressifs, les enragés, les belliqueux… C’est aussi (et surtout) une ode à la nature, la montagne, la faune et la flore y sont sublimées et les traditions respectées.

Un coup de cœur ♥


Et vous passerez comme des vents fous / Clara Arnaud – Editions Actes Sud – aout 2023 – 384p

Lola lit Un simple dîner ♥

Dans leur bel appartement parisien en cette fin de mois d’aout caniculaire, Diane s’affaire en cuisine ; ce soir Etienne a convié un couple de ses amis, Johar et Rémi. Tous les quatre se retrouvent autour de la table mais aucun n’est vraiment ravi de ce dîner. Rémi pense beaucoup à Manon, une jeune collègue avec qui il entretient une relation amoureuse. Johar doit décider dans la soirée si elle accepte le poste de directrice générale offert par Carl qui attend sa réponse avec impatience mais avec l’assurance qu’elle va accepter. Etienne, en perte de vitesse dans son cabinet d’avocats, compte sur l’amitié de Johar pour signer un gros contrat. Quant à Diane, elle souffre de sa timidité maladive, de ne pas savoir quoi dire, du comportement sec de son mari, de son métier de kiné, Diane craint tout simplement de ne pas être à la hauteur au milieu de ces gens de pouvoir. Le curry est pourtant réussi mais les convives ne s’y intéressent pas vraiment. Les heures s’étirent longues et chaudes, il fait lourd dans l’appartement et l’atmosphère est étouffante. Ce simple dîner va faire basculer les vies de Johar, Rémi, Etienne et Diane.

Beaucoup de sujets abordés dans ce premier roman : la place des femmes dans le couple et au travail, les origines, la maternité, l’amitié aussi. L’atmosphère est très bien décrite, la chaleur, les odeurs de cuisine, on sent la tension qui habite chacun des personnages. L’évolution des personnages et de leurs relations, au fil du récit est très intéressante, certains vont perdre de leur assurance quand d’autres vont s’affirmer. Un huis clos oppressant qui m’a fait penser au théâtre.

Un excellent premier roman, une autrice à suivre ♥


Un simple dîner / Cécile Tlili – Editions Calmann Lévy – Aout 2023 – 192p