Lola lit La Petite Bonne

La Petite Bonne tire son lourd chariot dans les rues de la ville au petit matin, elle fait le tour des familles qui lui confient la propreté de leur foyer. Consciencieuse et fiable, ses patrons sont contents d’elle. D’ailleurs Alexandrine Daniel lui demande de passer plus de temps chez eux. Pendant ses absences, elle devra s’occuper de Blaise, le mari rentré de la Grande Guerre détruit, gueule cassée et membres amputés, cloué dans son fauteuil qu’il ne quitte que pour la nuit. Les cauchemars de Blaise ne sont pas fait de souvenirs de guerre, de tranchées et de compagnons déchiquetés par les bombes mais de son ancienne vie de pianiste, de la scène et du public. Il faudra le nourrir, le laver, le coucher, le surveiller, lui tenir compagnie. Il faudra surtout lutter contre le dégoût, la pitié, l’angoisse. Mais la petite bonne est habituée au courage. Les débuts sont difficiles, Blaise lui fait une demande incroyable qu’elle, qui a pourtant aussi tant souffert, ne peut accepter. Au fil des pages, et des absences d’Alexandrine, un dialogue fait de regards, de gestes, de musique puis de mots s’installent entre eux.

Un roman extrêmement touchant, un huis clos intime, poignant entre ces personnages, Alexandrine et sa culpabilité n’étant jamais loin. Et puis la forme est une réussite ! Un harmonieux mélange de prose et de vers libres, poétique, lumineux. Un puissant coup de cœur ♥


La Petite Bonne / Bérénice Pichat – Editions Les avrils – aout 2024 – 272p

Lola lit Les hommes manquent de courage

Dans ce nouveau livre de Mathieu Palain, on passe une nuit avec Jessie et son fils Marco. Marco a 15 ans, il ne fait que des conneries et sa mère, prof de maths dans son lycée, ne sait plus comment faire pour lui éviter les problèmes. Ce soir-là, Jessie passe une soirée abominable chez ses beaux-parents, soirée pendant laquelle Jalil son boulet de mari et père de la petite Nora, lui annonce qu’il veut divorcer. Alors quand Marco, qui n’est pas rentré depuis 3 jours, appelle sa mère à 23h44, Jessie fonce, il s’est passé quelque chose de grave. Ils vont rouler toute la nuit, parler, se confier, se comprendre, se (re)trouver. Jessie victime de viol, de harcèlement dans sa jeunesse et de violences conjugales, s’est construite avec cette violence qu’elle a cachée ; à l’époque #MeToo n’existe pas, la parole des femmes n’a pas encore été libérée. Jessie aime son fils mais elle va pousser Jade, sa petite amie à parler.

Jessie existe mais porte un autre prénom. Mathieu Palain l’a rencontrée un jour de pluie, elle l’avait contacté par les réseaux, elle avait des choses à raconter. Elle serait le personnage de son prochain livre.

Un roman touchant, qui aborde bon nombre de thèmes qui tournent autour de la femme, de la mère, de la fille. Jessie est une femme courageuse, d’un courage ordinaire qui lui fait supporter, comme tant d’autres, le quotidien et son lot de difficultés, de problèmes et de drames et aussi pallier le manque de courage des hommes. Un très beau portrait de femme ! J’ai aimé me glisser dans la voiture et partager cette nuit avec Jessie et Marco ♥


Les hommes manquent de courage / Mathieu Palain – L’Iconoclaste – aout 2024 – 288p

Lola lit C’est quoi l’amour ?

Qu’est-ce que l’amour se demande Minimoni. Elle a entendu dire plein de choses sur l’amour sans réussir vraiment à comprendre exactement. Au fil des pages, Minimoni découvre que l’amour rend aveugle, qu’il déplace des montagnes, qu’il met des papillons dans le ventre…

Quel bel album lumineux ! Le trait est doux, les couleurs pleines de tendresse. Une lecture qui fait vraiment du bien, qui rend joyeux. Il n’est pas toujours utile de grands mots ou de longues démonstrations pour expliquer l’amour, moi comme Minimoni, j’ai tout simplement bien compris ♥


C’est quoi l’amour ? /Rocio Bonilla – Editions Père Fouettard – avril 2024 – 40p

Lola lit Le dernier vol

Ils s’appellent Juana, Roberto, Ana, Mark et Leya et ils s’apprêtent à embarquer sur le vol 4U9525 de Germanwings qui relie Barcelone à Düsseldorf ce 24 mars 2015 à 9h, avec les autres passagers et les membres d’équipage. On vit leur dernière soirée, on apprend les raisons de leur voyage, un voyage très important pour chacun d’eux ; Juana emmène sa fille revoir son père et discuter des termes de sa garde, Roberto et ana espèrent donner une seconde chance à leur histoire sur les traces de leur premier baiser 5 ans plus tôt, Mark va fêter les 50 ans de son père qu’il n’a pas vu depuis la maladie de sa mère et Leya qui pensait ne plus revivre l’amour va se jeter dans les bras de son amant. Certains des personnages de cette bande dessinée s’en sortiront parce qu’au dernier moment, ils ne monteront pas dans cet Airbus. Tous les autres périront lorsque le copilote Andreas Lubitz, profondément dépressif et suicidaire, précipitera cet avion contre une montagne du massif des Trois Evêchés dans les Alpes du Sud. Il n’y aura aucun survivant !

Une BD bouleversante car elle ne parle pas du drame mais simplement des gens. De ce qu’ils ont vécu juste avant, de leurs hésitations, de leurs doutes, de leur peur, de leur bonheur aussi. Et leur vie bascule à la toute fin de la bande dessinée, sans qu’on s’y attende vraiment. Insérer dans les vies des personnages,  quelques pages sombres et sans texte où le copilote se prépare. J’ai repris ces pages quand j’ai terminé ma lecture et elles m’ont glacée.

Un bel hommage aux disparus ♥


Le dernier vol / Lorenzo Coltellacci et Davide Aurilia  – Editions Steinkismars 2024 – 144p

Traduction de Marie Giudicelli

Lola lit Garçons manqués ♥

Malcolm et Charlie sont les deux gamins, personnages principaux et uniques de cette BD géniale. Au fil des pages, des vignettes, ils brossent un portrait de notre société, abordent des sujets importants avec naïveté et esprit. Malcolm refuse d’être mis dans la case « garçon », il entend assumer sa part de féminité. Charlie ne veut pas être une fille ; elle a choisi son prénom mixte, aime le foot, sauter partout et déteste son père quand il l’oblige à porter une jupe. Ils vont devoir vivre ensemble pendant une année, le temps d’une courte relation entre leur parent, relation qu’on voit se dégrader au fil des saisons.

J’ai adoré cette BD qui a tout bon : les personnages, les couleurs, les textes… tout est très chouette !

C’est un tome 1 ? Alors vivement le 2 ♥ Merci à Babelio pour cette découverte !


Garçons manqués / James – Fluide Glacial – mars 2024 – 56 pages

Lola lit Camille va aux anniversaires

Camille va aux anniversaires m’a replongée dans certains souvenirs de jeunesse : le maître nageur qui m’ordonne de me jeter dans le grand bain sans me boucher le nez et qui m’assomme avec la longue perche que je suis censée attraper alors que j’ai les yeux qui se ferment sous la brûlure du chlore, j’ai vécu ! J’avais des douleurs abdominales 3 jours avant les jours de piscine en CE1. J’ai réécouté les chansons de Michel Jonasz que j’adore, ressorti mon pull Beneton, revu Marie Myriam gagner l’Eurovision et Laura Ingalls dévaler la colline sous l’oeil attendri de ses merveilleux parents, et d’autres petites choses encore. Ce sont ces détails qui m’ont plu dans ce roman ainsi que les références culturelles et les réflexions assez justes de Camille sur les réseaux sociaux, leurs utilisateurs, et le petit monde de Bianca, mais je ne me suis pas attachée aux personnages ; Camille a de l’humour et de l’esprit mais elle n’est pas « vivante », elle ne m’a pas provoqué d’émotions.

Petit résumé rapide : Camille, expat à Copenhague, vient de se faire larguer par son mari amoureux d’une danoise. Après 6 mois à déprimer dans son bel appartement que lui a gentiment laissé Laurent, Camille accepte la proposition de son meilleur copain d’enfance Christophe d’organiser un anniversaire surprise à sa femme Bianca.
C’est donc à contrecoeur et à contre courant que Camille se lance mollement dans les préparatifs, de Paris d’abord et de Bretagne ensuite où elle est accueillie chez André, le père de Bianca. D’abord, créer un compte instagram mais quel nom lui donner ? Et qui inviter ? Et c’est parti pour Camille qui s’invente wedding planner. Il est question d’amitié dans ce roman et what else ?

Merci Babelio et Les Avrils pour cet envoi.


Camille va aux anniversaires / Isabelle Boissard – Editions Les Avrils – avril 2024 – 247p

Lola lit Nos armes ♥

Fin des années 90, Armelle, Mano, Paola, Charly, Nacer et Jicé sont un groupe d’amis soudés par leurs idéaux et leur militantisme. Ils rêvent d’un monde plus beau, d’une société plus juste et sont prêts à en découdre avec l’ordre social. Le squat où vit Jicé est leur QG, le café leur bureau et les pancartes des manifs leur moyen d’expression. Entre Armelle et Mano, une passion amoureuse se dessine, elles préfèrent vivre leur relation dans le secret pour protéger leur petit groupe. Un jour, Mano se fait virer du bar où elle travaillait au noir. La bande, vengeresse, décide de braquer le patron. Ils récupèrent un petit pactole et vont se remettre de leurs émotions à la campagne. L’idée d’un deuxième braquage se profile, cette fois, ce sera une banque et Nacer et Armelle seront armés mais ce sera sans Charly et Paola qui se retirent, cette lutte n’est pas la leur. Ce jour-là, vers 9h40, Armelle, Nacer et Jicé pénètrent dans le Crédit Municipal tandis que Mano les attend dans la voiture. Soudain Charly entre en trombe dans la voiture et ordonne à Mano de démarrer et de se barrer. Au même moment, les sirènes de police retentissent ; dans la banque c’est le carnage, 2 morts et des arrestations. Vingt-cinq ans plus tard, alors que Mano a posé sa caravane dans un village reculé, son ami John la prévient qu’une femme la cherche et l’attend au bar. Mano n’a plus le choix, elle doit affronter le passé.

Un très chouette roman complètement addictif ! La construction est intéressante, le roman commence 25 ans après les faits, puis nous entraine sur les traces d’Armelle après le braquage raté ; en parallèle on suit les autres membres du groupe, surtout Charly et Mano. Les retrouvailles auront lieu à la fin du roman. Je n’en dis pas plus pour ne rien dévoiler de l’histoire que nous raconte d’une écriture très agréable, Marion Brunet. Un coup de cœur qui me donne envie de lire les précédents déjà tous dans ma pal !


Nos armes / Marion Brunet – Editions Albin Michel – janvier 2024 – 384p

Lola lit Le témoin

Suite à son licenciement de Pôle Emploi où il occupait un poste administratif et comptable qui lui convenait, surpris et déçu d’être mis ainsi au ban, Bart décide de s’extraire du monde. Sans prévenir personne et sans aucun regret, il quitte son appartement après avoir vidé le frigo et fait un peu de ménage, mais laissé toutes ses affaires excepté un sac qui contient le strict minimum et sa plus belle cravate en guise de superflu. Pour s’extraire du monde tout en continuant à en observer la marche, pour voir si la justice est juste, Bart décide de s’installer, clandestinement, dans le Palais de Justice de Paris, sous le faux plafond où il passe des nuits inconfortables quand toutes ses journées sont occupées à assister aux audiences ; de salle en salle, de procès en procès, de victime en victime, de juge en juge, il nous livre ses réflexions sur la justice, de toutes les manières dont elle est rendue et ça nous donne à réfléchir. Au fil des jours, le décor devient familier, Bart écoute, observe, et croit de moins en moins à l’individualité des coupables, il voit des juges appliquer la loi plutôt que rendre la justice, il se voue tout entier à sa recherche quitte à en oublier sa santé et les caméras de surveillance.

Joy Sorman, également autrice de A la folie, nous immerge cette fois dans le Palais de Justice de Paris. On suit Bart dans chaque salle, on côtoie les victimes et les accusés, on comprend un peu plus les rouages de ce monde inconnu pour la plupart d’entre nous. Un roman (?) très bien documenté, on est vraiment en immersion, sur les bancs, face aux box des accusés, aux victimes, aux côtés des familles, attentifs aux plaidoiries, frissonnant aux réquisitoires, le lecteur est traversé par de nombreuses émotions, les procès laissent rarement indifférents.

Une lecture très intéressante sur un sujet passionnant !


Le Témoin / Joy Sorman – Editions Flammarion – janvier 2024 –  288 p.

Lola lit Au nom de Chris ♥

Avant Adrien il dormait bien, mais depuis le collège le sommeil, il l’a perdu. Comme il a perdu aussi Judith, sa meilleure amie, qui a déménagé. Dorénavant il est seul face à Geoffroy, le dur à cuire, la brute de service. Celui qui fait subir des humiliations à Adrien pour faire marrer ses abrutis de copains. Adrien est élevé par sa mère, ensemble ils regardent des documentaires animaliers le samedi soir, elle lui prépare des sandwichs, lui fourre un parapluie dans son sac quand il pleut, elle s’inquiète beaucoup pour son garçon. Mais évidemment, personne ne sait qu’Adrien est harcelé, et Adrien étouffe, sombre. Il continue à se réfugier dans la forêt, la clairière était leur endroit préféré avec Judith, ils s’étaient construit une espèce de cabane. C’est là qu’il croise Chris, un type un peu marginal, on ne sait pas d’où il sort mais il fait du bien à Adrien, de sa voix spéciale, rassurante, il le comprend, l’apaise, lui redonne confiance, le motive aussi à être plus fort, à se battre « respire à fond, libère ta force, chasse les démons, arrête d’être celui qu’on veut que tu sois… » Et ça marche ! Adrien réussit même à tenir tête à Geoffroy sous les regards ahuris des autres. Mais qui est vraiment Chris ? Que cherche-t-il ? Entre complotisme, survivalisme, sport de combat, n’est-il pas en train d’engrener Adrien dans un combat qui n ‘est pas le sien ? Chris existe-t-il vraiment ? Où sort-il de l’imagination d’Adrien ?

Un excellent roman qui tient ses promesses, c’est un vrai thriller qu’on lit le souffle court dans une sorte de malaise. On se demande jusqu’où ira l’emprise de Chris sur Adrien, ce gamin si attachant pour qui ont ressent tellement d’empathie. Je n’ai pas réussi à le lâcher même si certains passages sont difficiles, les scènes de harcèlement mais aussi les petits textes tout droits sortis de la tête d’Adrien, douloureusement poétiques. Un coup de cœur ♥ Un roman à lire dès 13 ans nous annonce l’éditeur.


Au nom de Chris / Claudine Desmarteau – Editions Gallimard Jeunesse – mars 2023 – 336p

Lola lit Odette Froyard en trois façons

Quelle a été la vie d’Odette Froyard ? Est-ce que derrière sa simplicité cette femme cachait un secret ? La vie d’Odette Froyard a-t-elle toujours été dans l’ombre ou a-t-elle connu la lumière ? C’est en pleine période covid, qu’Odette Froyard refait surface dans la vie de sa petite fille, Isabelle Monnin. Des affiches collées sur les murs faisant le décompte des victimes de féminicides, des rues qui changent de nom en hommage à des artistes féminines, toutes ces femmes aux destins extra ordinaires, mais où était passée la vie d’Odette Froyard ? Pourquoi une vie ordinaire ne pourrait être distinguée ? N’était-ce réservé qu’aux puissantes, aux artistes ou victimes ? La vie d’Odette Froyard, quoi qu’elle ait été, méritait d’être mise en lumière, alors Isabelle Monnin fait de sa grand-mère Odette Froyard, le personnage principal de son nouveau livre. Les faits : Odette Froyard est née en 1917, morte en 1993. Elles se sont connues de 1971 à 1993. Odette grand-mère discrète, aimante, dévouée, qui portait une blouse fleurie, une grand-mère qui nettoie, écosse, nourrit, joue, jardine, prépare conserves et confitures, et regarde la télé. Une femme à la vie ordinaire toute tournée vers les tâches domestiques et le fonctionnement de la maison. Une vie sans surprise. Dans la première partie du livre, l’autrice remonte dans ses souvenirs, cherche, fouille, se concentre et s’attriste d’avoir si peu de choses à raconter. Alors dans la deuxième partie, l’autrice va faire des recherches dans les archives familiales, puis dans les archives officielles : recensements, registres d’états civils, actes de naissance, de décès, de mariages, cadastres, articles de presse, inventaires départementaux, des sites généalogiques… La vie d’Odette Froyard se dessine pas à pas, Isabelle Monnin va de surprises en surprises. Dans la troisième partie, ma préférée, la vie d’Odette Froyard devient roman. Puisque la réalité ne suffit pas, la fiction comble les manques, les lacunes, les oublis. L’autrice invente un destin romanesque à Odette, elle la fait vibrer, aimer, vivre !

Une lecture en demi-teinte. La première partie m’a ramené ma grand-mère, j’étais donc plus concentrée sur mes propres souvenirs que ceux de l’autrice. La deuxième était un peu longue et ne m’a pas complètement intéressée. Mais j’ai trouvé le bonheur dans la troisième et dernière, la vie d’Odette s’anime, entre dans la lumière. L’écriture est agréable et l’ensemble se lit très facilement.


Odette Froyard en trois façons / Isabelle Monnin – Gallimard – décembre 2023 –  272 p.