Lola lit La porte du voyage sans retour ♥♥♥

Après l’envoutant Frère d’âme sorti en 2018, j’avais hâte de me replonger dans l’écriture de David Diop. La porte du voyage sans retour est tout aussi magnifiquement romanesque.

L’auteur nous raconte que le botaniste Michel Adanson, né le 7 avril 1727 à Aix en Provence était aussi un explorateur et un aventurier. Sa passion pour la flore l’a conduit au Sénégal, un pays peu visité par les naturalistes, où il étudia les plantes locales entre 1748 et 1754. Il fit une rencontre qui bouleversa sa vie, sa route croisa celle d’une jeune esclave guérisseuse. Car en 1750, le Sénégal est une colonie française, gérée par La Compagnie du Cap-Vert qui détient le monopole de la traite des esclaves. Des millions de femmes, d’enfants et d’hommes quitteront leur terre pour les Amériques, entassés dans les cales des bateaux au départ de l’île de Gorée.

Ce roman est une longue lettre que Michel Adanson, moribond, adresse à sa fille Aglaé, et dans laquelle il raconte l’histoire que Maram lui a confiée. Une histoire dans l’histoire.

Je ne veux pas trop en dire même si partout sur la toile, tout est raconté. Tout sauf cette manière si particulière qu’a l’auteur pour nous conter son histoire, un équilibre de poésie et de vérité pour montrer la violence de l’esclavagisme, pour exprimer les souffrances infligées à l’homme par l’homme. Et puis l’auteur nous mène sur des chemins arides, peuplés de créatures, de croyances difficiles à ignorer mais impossibles à admettre, où la nature peut être un refuge ou un tombeau. Les personnages croisés ont parfois existé, d’autres sont sortis tout droit de l’imaginaire de l’auteur mais tous si vivants, si riches.

Voilà, j’ai adoré !


La porte du voyage sans retour – David Diop – Editions Seuil – août 2021 – 320p

 

Lola lit Campagne

Aujourd’hui, on assiste à un vrai besoin de retour à la terre, à la nature, qui se manifeste par de multiples actions individuelles ou collectives : planter un potager (sur son balcon), faire son propre compost (sur son balcon), consommer bio et local, devenir végétarien ou flexitarien (on n’a rien contre une bonne cote de boeuf sur le barbec), passer ses week-end au vert, ses vacances à la montagne, changer de boulot et se tourner vers l’artisanat, monter une fromagerie, une épicerie bio, un toutenvrac, et le graal… acheter une maison et s’installer à la campagne ! On peut comprendre cette envie de fuir la ville, le stress, la pollution, le bruit, la foule. Mais comment les gens de la terre réagissent à cette nouvelle tendance ? Comment accueillent-ils ses néocampagnards ? Avec chaleur et bienveillance, mépris, moquerie ou indifférence ?

Robert le narrateur, un vieux gars de ce petit coin de Dordogne, s’adresse directement au lecteur pour lui raconter ce qui s’est passé de terrible dans son village.

Il est question d’une grande fête participative, organisée par ces citadins devenus ruraux qui pensent tout savoir, tellement mieux que ceux du cru.

Un roman d’une grande lenteur. J’avais hâte de savoir ce qu’il s’était passé, je voulais donner un peu de rythme à ma lecture, accélérer l’allure, faire monter le désir. J’ai tourné les pages, sauté des passages, et quand j’ai enfin trouvé, j’ai pu revenir en arrière et reprendre ma lecture tranquillement, la lenteur m’a moins gênée.

Un drôle de roman, déroutant, féroce, d’une grande lucidité !


Campagne – Matthieu Falcone – Editions Albin Michel – août 2021 – 304p

Lola lit Canoës

Huit nouvelles dont Mustang, la plus longue, et un fil conducteur, les voix. Les voix des femmes qui racontent et celles qui les entourent. Mais ce pourrait être aussi la voie, le chemin que ces femmes empruntent. J’ai particulièrement aimé Un oiseau léger. La voix de Rose, gardée précieusement dans le répondeur téléphonique par le narrateur que sa fille supplie d’effacer. Cette voix venue d’outre tombe, certains trouvent ça troublant, morbide et indécent, pour lui, anéanti par la douleur de sa mort, Rose est là, tout simplement encore là.

L’écriture de Maylis de Kérangal est toujours aussi belle, délicate et précise. Un régal de lecture !


Canoës / Maylis de Kérangal – Editions Verticales – mai 2021 –

Lola lit L’île du docteur Faust

Le 30 avril, à la nuit tombée, au port de Douarnenez, Thaïs, Alexandra, Hélène, Katell, Laure, Isabella, Colette et Sydney, la narratrice, embarquent pour l’île Tirnamban au large des côtes bretonnes. Elles vont faire une cure de 6 mois dans la clinique du Docteure Faust qui leur a promis un rajeunissement spectaculaire. L’île est habitée uniquement par les employés de la clinique, Demetra et sa fille Hermione, les gémeaux, Dorian et Bastien, Pascal et Zoyad, et bien sûr la mystérieuse docteure Faust et son assistante. La cohabitation se passe plutôt bien et Sydney, journaliste et romancière, qui a été invitée pour faire un papier sur la clinique et avancer son roman, est la seule à se rendre compte de la bizarrerie de la clinique, les autres pensionnaires étant bien trop occupées à examiner leur visage, à en surveiller les transformations. 

L’auteure nous trimballe entre rêve et réalité, passé et présent, dans une langue tout à fait agréable. L’atmosphère très particulière du lieu et le mystère qui entoure les personnages ont réussi à me troubler dès les premières pages. Peut-être aussi parce qu’il est question du temps qui passe, un sujet qui tracasse (surtout à partir d’un certain âge 😉 Et puis j’ai trouvé la fin très intéressante. Un très bon moment de lecture !

Tout au long de ma lecture, L’horloge le poème de Baudelaire, s’est imposé et ne m’a pas quittée

L’horloge
Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,
Dont le doigt nous menace et nous dit :  » Souviens-toi !
Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d’effroi
Se planteront bientôt comme dans une cible,
Le plaisir vaporeux fuira vers l’horizon
Ainsi qu’une sylphide au fond de la coulisse ;
Chaque instant te dévore un morceau du délice
A chaque homme accordé pour toute sa saison.
Trois mille six cents fois par heure, la Seconde
Chuchote : Souviens-toi ! – Rapide, avec sa voix
D’insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,
Et j’ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !
Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor !
(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)
Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues
Qu’il ne faut pas lâcher sans en extraire l’or !
Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c’est la loi.
Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi !
Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.
Tantôt sonnera l’heure où le divin Hasard,
Où l’auguste Vertu, ton épouse encor vierge,
Où le repentir même (oh ! la dernière auberge !),
Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard !  »
Charles Baudelaire, Les fleurs du mal

L’île du docteur Faust / Stéphanie Janicot – Editions Albin Michel – août 2021 – 304p

Lola lit On ne parle plus d’amour ♥

Louise épousera Armand-Pierre Foucher le 2 septembre. Elle ne l’aime pas vraiment mais ce n’est pas grave, dans le monde de Louise l’amour n’est pas utile. D’ailleurs son père Olivier Lemarié, président du Yacht-Club, le lui a toujours dit :  » il faut être élégant, prospère et puissant mais il est superflu d’être heureux.  » Alors Louise, l’enfant parfaite, s’accommode mollement des rallyes, régates et autres parties de tennis entre gens de la bourgeoisie bretonne. Elle va épouser Armand-Pierre, lui donner de beaux marmots bien élevés, être une bonne épouse et une excellente mère de famille, se couler dans le droit chemin tracé pour elle par ses parents et son  milieu. La vie de Louise sera donc un long fleuve tranquille… jusqu’à l’entrée en scène de Guillaume du Guénic.

C’est drôle, vif, plein d’esprit et d’autodérision. L’auteur manie avec finesse les registres, il encanaille la langue pour notre plus grand plaisir de lecteur. J’ai ri, j’ai noté plein de phrases que j’ai adoré lire. Un régal !

Mon premier roman de Stéphane Hoffman et sûrement pas le dernier ! Et comme écrit page 75 « Laissez La gravité aux imbéciles : elle leur donne l’impression d’être denses quand ils ne sont que lourds. »


On ne parle plus d’amour / Stéphane Hoffmann – Editions Albin Michel – août 2021 – 251p

 

 

 

Lola lit Au delà de la mer ♥♥♥

Ce jour-là Bolivar, un pêcheur sud-américain aguerri, doit impérativement prendre la mer pour rembourser un type auquel il doit de l’argent et qui a promis de lui couper les oreilles ; c’est une affaire sérieuse. Angel, son acolyte, cuve ses excès de la veille, alors c’est Hector, un adolescent dégingandé qui embarque sur le panga avec Bolivar, au mépris de la tempête qui gronde au loin.

Mais bientôt, au cœur des éléments qui se déchaînent, Bolivar perd le contrôle de l’embarcation. Les deux pêcheurs se réfugient dans la glacière et attendent. Quand le calme revient, ils sont perdus, sans eau, sans nourriture, gps et radio sont hs. Ainsi débute la dérive de ces deux êtres si diamétralement différents et de leur bateau.

Ils vont devoir puiser au plus profond d’eux-mêmes les ressources qui peuvent leur permettre de survivre au milieu de ce tout meretciel confondus, immensément bleu, qui enveloppe, enserre, emprisonne, empoisonne, étouffe, asphyxie. Chacun d’eux s’interroge sur l’homme qu’il a été et qui l’a conduit là, entre espoir et désespoir, entre foi en Dieu ou en la vie. Un face à face suffocant, brutal et animal, d’amour et de haine fragmentés.

C’est un roman terrifiant, angoissant, bouleversant, fascinant, qui a fait remonter en moi des questions existentielles, philosophiques et nécessaires. L’écriture de Paul Lynch est intense, il sait raconter merveilleusement les histoires les plus terribles, les plus extra-ordinaires. Après Grace, que j’avais aimé, mon amour pour cet auteur est absolument confirmé. 


Au-delà de la mer  Paul Lynch – Editions Albin Michel – août 2021 – 232p

Voici le lien qui raconte (beaucoup moins bien 😉 l’histoire incroyable de Salvador Alvarenga, pêcheur saldorien, qui a dérivé 438 jours sur le Pacifique suite à la tempête de novembre 2012. http://www.slate.fr/story/109625/pecheur-seul-mer-438-jours

 

 

 

Lola lit Le charme secret de notre graisse

Le charme secret de notre graisse et son rôle en faveur de notre santé par BoonComment ça ?! La graisse ne serait pas ce monstre répugnant qui s’accroche à nos cuisses, notre ventre et nos hanches comme une moule à son rocher, et que nous combattons avec plus ou moins d’acharnement à coup de régimes, gélules et d’exercices physiques barbares ? C’est bien ce que nous expliquent le docteur Mariette Boon et le professeur Liesbeth Van Rossum. Notre graisse aurait du charme et un rôle bénéfique sur notre santé. Nos cellules graisseuses tant haïes participeraient à des fonctions essentielles de notre corps.

Après cette lecture, je suis convaincue. Attention il n’y a pas de scoops, pas de buzzs, pas de OH HA NON ?! Mais des explications claires, des témoignages de certains de leurs patients, et deux ou trois conseils aussi. Comprendre, c’est un excellent moyen de déculpabiliser.

Le petit bémol, c’est la présentation. C’est un sujet sérieux mais quelle austérité ! Ce long texte presque d’un bloc, sans retour à la ligne, sans alinéa, c’est un peu lourd à lire, heureusement que le sujet est passionnant !

Merci à Babelio et aux éditions Actes Sud

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Lola lit Cache-cache partie

Cache-cache partie par LatteuxUne partie de cache-cache, et Pépin le petit lapin compte jusqu’à 10 pendant que ses petits copains filent se cacher dans la forêt. Lorsque Garou le loup sort d’un trou et s’invite dans la partie.

Une couverture souple, du papier de qualité, le trait est naïf mais expressif, 2 couleurs seulement du noir et du rouge sur un fond blanc. Le texte, sur les pages de gauche, est écrit en rimes comme une poésie, les majuscules et les points sont rouges, délimitant chaque phrase. A droite, les illustrations organisées en vignettes ou en pleine page, apporte de la modernité et du dynamisme.
Le trait est enfantin mais expressif. Les arbres ressemblent à des pommes d’amour, les lapereaux sont craquants et le loup à un petit air bien malicieux.

Quel charmant petit livre ! Porté par une maison spécialisée en lecture confortable, dont « l’ambition est d’aplanir les difficultés de lecture pour que les livres soient toujours synonymes de plaisir, d’émerveillement et d’épanouissement. »
Objectif atteint !

Merci à Babelio et aux éditions Ztl

Lola lit La petite dernière

Voici l’adaptation BD du livre jeunesse de Susie Morgenstern où elle raconte sa vie de petite dernière d’une fratrie de 3 soeurs. La famille est installée à Newark aux États-Unis. Dans les années 50 Susie a une dizaine d’années et peine à trouver sa place entre la jolie Sandra et la rigolote Elfie. Ça se chamaille, ça crie, ça piaille, comme dans toutes les familles et la vie s’écoule tranquillement rythmée par les fêtes juives. Mais bientôt, les choses changent, des cousins s’installent chez eux, européens ils ont fui l’horreur. A l’école, Walter n’est pas gentil, il l’insulte, la traitant de Sale juive ! Susie a peur, elle ne veut plus aller à l’école. Pourquoi toute cette haine ? Susie ne comprend pas et cherche des réponses dans les livres qu’elle emprunte à la bibliothèque.

Une BD pleine de poésie, de naïveté et de mélancolie aussi. Les enfants vont partager la vie de cette petite fille aimée par sa famille qui rencontre des difficultés et doit y faire face.

Lola lit Trio de William Boyd

Brighton été 1968 sur le tournage de L’épatante Echelle pour la lune d’Emily Bracegirdle, le dernier film de Reggie Tipton.

Le trio tourmenté de William Boyd est composé de Talbot Kydd producteur comme papa mais sans panache, qui refoule son homosexualité auprès de sa femme et de ses enfants ; Elfrida Wing, l’épouse tant de fois trompée du réalisateur, écrivaine qui noie ses 10 dernières années de pages blanches dans l’alcool et enfin Anne Viklund une jeune première délicieuse et populaire qui tente d’échapper à son ex-mari terroriste fraîchement sorti de prison.

Les personnages en traînent de la souffrance, de la déprime, du mal de vivre, de la misère morale et pourtant vous allez vous amuser grâce à la plume pleine de l’humour pince sans rire et sophistiqué, de cet auteur so british !

Un roman que j’ai eu énormément de plaisir à lire !


Trio / William Boyd – Editions du Seuil – mai 2021 – 496p

Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Isabelle Perrin