Lola lit L’heure des femmes ♥♥♥

L'heure des femmes par BréauLes destins croisés de Menie Grégoire, Suzanne Verdier et d’Esther Kahn. L’une est la célèbre animatrice radio sur RTL de Allô, Menie et Responsabilité sexuelle de 1967 à 1981. Mais Menie Grégoire, née Marie Laurentin en 1919 à Cholet était aussi journaliste et écrivaine. Sa carrière radiophonique a commencé alors qu’elle a la cinquantaine, que la dernière de ses trois filles est « élevée » et que son mari, haut fonctionnaire, la soutient. Dame de cœur pour les uns, sorcière scandaleuse pour les autres, Menie a œuvré pour les femmes, en les écoutant raconter leurs vies difficiles, éreintantes, les injustices dues à leur sexe, l’autorité patriarcale, les grossesses qui s’enchainent, les corps meurtris. Chaque après-midi, en direct, Menie lisait une lettre d’auditrice, la commentait, puis répondait aux questions des femmes qui appelaient. Aucun sujet n’était tabou : grossesse, sexe, travail, maltraitance, contraception, orgasme… Menie n’imposait aucun interdit. Elle les encourageait, les conseillait, essayait même de trouver des solutions avec son équipe. Suzanne quant à elle, s’est retrouvée enceinte de son premier amour à peine sortie de l’adolescence. Quand elle a annoncé la nouvelle à Robert, il s’est emporté, l’a insultée et est parti ; Suzanne a voulu mourir mais Menie l’a aidée. Esther Kahn a 40 ans, elle est écrivaine, ou plutôt elle rêverait d’écrire un roman. Alors quand Katell, une amie de fac dont elle n’avait plus de nouvelles et qui travaille dans un gros groupe d’édition lui propose un boulot, Esther fonce.

Un roman qui parle de la condition des femmes sur une période qui balayent les années 60, 70, 80 à nos jours. Et c’est impressionnant d’entendre les voix de ces femmes qui semblent parler d’une période si lointaine. Et puis en fait non, ce n’est pas si loin : droit à l’avortement 1975, légalisation de la pilule 1967, 1965 pour avoir le droit d’ouvrir un compte bancaire et de travailler sans accord de son mari, 1980 le viol devient un crime passible de prison, 2002 une mère peut donner son nom à son enfant, et tant d’autres aberrations contre lesquelles il a fallu se battre ! Et ce n’est pas fini malheureusement. Je suis divorcée et dans mon état civil, je suis l’ex épouse de monsieur X. En revanche lui n’a pas ce boulet à porter. C’est incroyable et je ne parle pas des heures passées au téléphone pour que ce nom disparaisse de mes relevés de compte, de ma carte vitale, de mon abonnement téléphonique, de ma mutuelle… Il surgit encore parfois et me fait rugir même si je n’ai rien contre monsieur X. Mais ce nom qui me poursuit me rend dingue. !Bref…

Un super roman, un coup de coeur ♥ Les trois histoires sont également intéressantes et captivantes. Le tout est bien documenté et vivant et tous les personnages sont attachantes. J’ai été bouleversée par leurs histoires, qui parlaient de ma grand-mère, de mes tantes, de ma mère aussi. Un roman qui a confirmé mon amour pour les femmes, mes sœurs, mes amies. Toutes, mais surtout celles qui ont moins de chance que moi. (Vous le savez surement mais Adèle Bréau est la petite fille de Menie Grégoire. Quel héritage !)


L’heure des femmes / Adèle Bréau – Editions JC Lattès – janvier 2023 – 324p

 

Lola lit Fille en colère sur un banc de pierre

Fille en colère sur un banc de pierre par OvaldéIazza est un village italien (fictif) situé sur une île toute proche de la Sicile. Dans la famille Salvatore, le père bien que tyrannique est un amoureux de l’opéra, alors ses quatre filles se prénomment Violetta, Gilda, Aïda et Mimi. Le roman s’ouvre sur un coup de fil : Violetta annonce à Aïda que leur père est mort. Aïda a quitté l’île quinze ans auparavant, répudiée par sa famille suite à la disparition de Mimi, la petite dernière qui s’est évaporée le soir du carnaval. Aïda retourne donc sur son île, 15 ans après, sans avoir jamais revu ni son père, ni sa mère, ni ses sœurs. L’accueil est plutôt mitigé, les sœurs sont gênées, empêtrées dans les secrets, les jalousies, la culpabilité. Car la disparition de Mimi a ébranlé la famille, et est restée un mystère, le corps de l’enfant n’ayant jamais été retrouvé. Sa mère s’attend toujours à la voir rentrer, le père s’était enfermé dans le mutisme et Aïda ne s’est jamais remise d’avoir emmenée, en douce, sa petite sœur tant aimée avec elle au carnaval ce fameux soir. Alors pourquoi revient Aïda ? se demandent Violetta et Gilda. Pour quoi ou pour qui suis-je revenue ? s’interroge Aïda. Régler des comptes, récupérer de l’argent, revoir la maison de son enfance, retrouver Leonardo, interroger Pippo ?

La facétieuse narratrice intervient souvent, elle nous interroge, se pose des questions, se moque, commente, juge aussi et organise un peu les aller-retour dans le passé. La narratrice c’est elle, a confié l’auteure. J’ai trouvé que ses interventions allégeaient un peu le tragique de l’histoire. Malgré quelques longueurs c’est un excellent roman avec une fin absolument étourdissante.

Pour conclure, je citerai l’auteure : « J’aime écrire sur la “cellule” familiale, explique l’écrivaine pour le journal Le Monde, dans le double sens du terme : l’organisation et la prison.» Et Véronique Ovaldé, une fois encore réussit à donner vie à une cellule familiale comme elle l’entend.


Fille en colère sur un banc de pierre / Véronique Ovaldé – janvier 2023 – Editions Flammarion – 304p

Lola lit Va au Japon ♥

Vahram Muratyan, designer graphique français, passionné par le Japon nous entraîne avec son nouveau livre Au Japon, dans un circuit visuel de toute beauté. Il illustre en 188 pages la culture japonaise au gré d’intéressantes associations d’idées : jishin-tsunami-typhon-protection-plastique-papier-washi-muji… On apprend quantité de petites choses insolites, par exemple que durant la Golden Week, on fête les enfants, enfin surtout les garçons. Que tout le monde connait un resto secret avec juste quatre places et un chef. Que les files d’attente des boutiques de Cat Street, la rue super tendance où toute la jeunesse urbaine et branchée de Tokyo fait son shopping, sont faites de faux clients. On croise au détour d’une page, Marie Kondo la fée du rangement, l’architecte Tadao Ando, un ninja, un samouraï et le Mont Fuji. Le dépaysement total !

Un graphisme épuré, des couleurs vives, franches et tranchées font de ce joli livre comme une petite œuvre d’art à laisser traîner sur la table du salon pour piocher, picorer, s’extasier, s’étonner et partager ♥♥♥ Merci Babelio et Les Arènes.

 

 

Vous connaissez sûrement Paris vs New-York, le précédent livre où l’artiste amoureux des deux villes, les opposait graphiquement et en tout amicalité. Le résultat est tout aussi formidable : sur chaque double page d’un coté une illustration de Paris, de l’autre New York, dans leurs différences, leurs similitudes, leurs contradictions, avec force détails. Une belle réussite !

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Yaki lit QI

QI par DalcherDans une société proche de notre société actuelle, tout le monde est affecté d’un quotient Q, un chiffre qui prend en compte différents facteurs, en particulier l’intelligence et le fameux QI. La valeur de chacun est donc chiffrée. A l’école, les élèves passent des tests réguliers pour s’assurer que leur Q est conforme. Ceux dont la valeur est trop faible sont envoyés dans des écoles « jaunes », loin de leur famille. L’objectif, réduire les coûts d’une éducation devenue trop chère avec l’augmentation de la population. Mais pas seulement…

Elena est plutôt favorable à ce système, en tous cas elle ne s’en offusque pas vraiment. Elle est mariée à Malcolm, homme politique à l’origine de la mise en place du système de classement des écoles, qui ne jure que par la perfection. Sa fille aînée est brillante et réussit haut la main tous ses tests. Tout va pour le mieux, ou presque, jusqu’à ce que sa plus jeune fille rate son examen. Elena est alors prête à tout pour sortir son enfant de l’institution où elle est envoyée et dénoncer le système, quitte à perdre tout ce qu’elle a.

C’est un roman coup de poing qui fait froid dans le dos. La société inventée par l’auteur est extrêmement angoissante. En effet, l’auteur pointe du doigt les risques de la manipulation et de la désinformation. Elle dénonce les abus de pouvoir de ceux qui se croient plus puissants et plus intelligents que les autres. De quel droit peut-on catégoriser les êtres humains, de quel droit peut-on les mettre dans les cases ? De vraies questions qui font écho à certaines dérives passées.

C’est un roman percutant et bien construit avec une montée du suspens réussie. Le roman est écrit à la première personne, ce qui permet de s’imprégner encore mieux de l’atmosphère et de partager les sentiments et l’évolution d’Elena.

Un roman qui ne laisse pas indifférent !

#grandprixdeslecteurspocket


QI / Christina Dalcher – Editions Pocket – oct 2022 – 416p

Traduction Michael Belano

Lola lit la série Blackwater

Alors là ! Si on m’avait dit que finalement non seulement je lirais les six tomes de cette série et qu’en plus je les avalerais en quelques jours, j’aurais ricané. Je les ai vu passer ces magnifiques couvertures, mais persuadée que c’était de la fantasy, un genre qui ne m’attire pas du tout, je n’ai pas cherché à savoir… Alors lorsque mon amie Y m’a dit qu’elle l’avait lu et adoré, j’en suis restée comme deux ronds de flan, et je me suis lancée et je les ai dévorés ! Les 6 à la suite sans même reprendre ma respiration.

C’est curieux car le côté surnaturel ne m’a pas dérangée du tout bien au contraire. Il ajoute un gros petit plus à l’histoire qui sans cela serait (juste) une saga familiale qui débute en 1919 à Perdido, une petite ville tranquille de l’Alabama. Les personnages féminins ont le pouvoir, les femmes de la famille Caskey sont puissantes, influentes et très attachantes. Entre amitiés, alliances, manigances, manipulations et désunions, le lecteur navigue en eaux troubles puisque même les rivières qui bordent la ville s’entourent de mystère et semblent mener la danse. Une série foisonnante, rythmée, addictive 😉

Une excellente surprise de fin d’année que suis ravie d’avoir lue !


De janvier à juin 1983, Michael McDowell (1950-1999), écrivain et scénariste américain, décide de publier chaque mois un épisode d’une fresque familiale étalée sur plusieurs générations : Blackwater, une grande œuvre en six livres. Traduite pour la première fois cette année chez Monsieur Toussaint Louverture avec un pari éditorial très osé : un tome de 250 pages en librairie tous les quinze jours, pendant trois mois, du 7 avril au 17 juin 2022. Une publication échelonnée et une esthétique des livres particulièrement soignée : pari gagné !

 

Lola lit Ceux qui restent

L’auteur Jean Michelin est un militaire. Né en 1981, saint-cyrien et officier supérieur, il a mené des opérations au Kosovo, au Mali, au Liban, en Guyane et en Afghanistan. Alors il sait de quoi il parle ; la guerre, il connait ; les missions au bout du monde, il connait ; les relations entre soldats, il connait ; les retours à la maison, il connait aussi. Il signe avec Ceux qui restent son premier roman, sorti en aout 2022.

Le caporal Lucien Guyader, dit Lulu, quarante ans, a disparu. Sans un mot, sans laisser de traces ; un beau matin, il n’était plus couché dans son lit à côté de sa femme.  Alertés et inquiets, quatre frères d’armes, vont se lancer à la recherche du déserteur ; du nord de la France à la forêt tropicale guyanaise, ils vont remuer ciel et terre, et les souvenirs aussi.

Dans ce roman, il est question des liens puissants qui lient les soldats, et ça personne ne peut en douter. Et de la vie civile des militaires, de ce qu’il se passe quand ils rentrent, et comment les choses se passent avec leurs femmes et leurs enfants. Le retour à la vie peut être brutal, et la famille n’est pas toujours un refuge comme nous pourrions l’imaginer.

Dès le début du roman , j’ai eu du mal à suivre : pour parler de ses personnages, l’auteur utilise soit leurs noms soit leurs prénoms, leurs grades ou leurs surnoms, j’ai dû noter qui était qui et consulter mon tableau souvent. Ce qui a compliqué ma lecture et m’a complètement déstabilisée, j’ai vraiment eu du mal à me laisser porter par l’histoire.

Et puis je n’ai pas vraiment compris la fin  🤷‍♀️ Femme qui hausse les épaules Emoji — Signification, Copier & Coller, Combinaisons


Ceux qui restent / Jean Michelin – Editions Héloïse d’Ormesson – aout 2022 – 240p

Lola lit Petite sœur

Alice vient de perdre son frère ; Mika 28 ans, avait treize mois de moins qu’elle mais elle a toujours été la petite sœur. Alice ne se rendra pas aux obsèques, ça fait longtemps qu’elle l’a perdu ! Ils ne se voyaient plus depuis sept ans. Sa grand-mère lui suggère de s’isoler et d’écrire sur cette relation fusionnelle. Alors Alice s’installe chez Gabriel, un parfait inconnu qui recherche quelqu’un pour garder son appartement, son chat et ses plantes carnivores pendant son absence. C’est exactement ce qu’il faut à Alice pour retourner dans le passé et accepter enfin de vivre sa vie.

J’ai eu un peu de mal à rentrer dans ce roman, je suis impatiente ! Mais j’aime trop les histoires de fratrie pour abandonner, surtout quand un livre est agréable à lire. Et puis au fil des pages et des souvenirs d’Alice, je me suis attachée à elle. J’ai partagé les souvenirs de sa tendre enfance, j’ai senti venir le loup et je me suis indignée avant d’être bouleversée ♥


Petite soeur / Marie Nimier – Editions Gallimard – aout 2022 – 240p

Lola lit Les petites amoureuses

Les petites amoureuses par BenadorEté 41, Lola et sa famille quitte l’Isère pour le Maroc où son père espère qu’ils y seront à l’abri de la folie antisémite. Le dépaysement est brutal pour Lola, ses frères et ses parents. Très vite la jeune fille va explorer les rues de Casablanca et se retrouver aux portes de Bousbir, le quartier chaud de la ville où Lola fait la connaissance de Shéhérazade, une adolescente marocaine de son âge qui danse (et plus ?) dans une maison close.

Un roman qui ne m’a pas vraiment emballée mais que j’ai lu jusqu’au dernier mot. La plume est jolie et l’ensemble est assez délicat et poétique, l’atmosphère est très juste mais je n’ai pas eu le temps de m’attacher aux personnages ; la relation des filles est survolée, elle manque de profondeur. Les personnages secondaires sont sans épaisseur. Mais je garde précieusement le nom de cette toute jeune auteure et je vais la suivre de très près.


Les petites amoureuses / Clara Benador – Editions Gallimard – aout 2022 – 144p

Lola lit Ils vont tuer vos fils

Ils vont tuer vos filsGuillaume a 13 ans et il aime les trucs de filles depuis qu’il est petit. Ce n’est pourtant pas un crime ! Au début du roman, Guillaume est dans le bureau du juge où il accuse son père d’attouchements. Mais la juge est sceptique, où est la limite entre la toilette qu’un père fait à son fils et l’inceste ? Finalement, Guillaume sera séparé de sa mère et envoyé en foyer. Mais là n’est pas sa place, il veut juste être libre Guillaume, libre de porter des vêtements féminins, des talons hauts et de se faire appeler Rafaella. Cette recherche de la liberté à tout prix est complètement incomprise par son environnement et le conduit en hôpital psychiatrique.

C’est un roman difficile car même si ce n’est pas un récit, l’auteur s’est appuyé sur sa propre expérience de l’homophobie. Et c’est un sujet touchant qui me bouleverse. Je ne comprends pas pourquoi on ne pourrait pas se foutre un peu la paix les uns aux autres !! Le point de départ de ce roman que Guillaume Perilhou dit porter en lui depuis des années, est un jugement qui a été rendu à Venise en 2017. Un jeune ado jugé trop efféminé par les responsables de son école qui ont alerté les services sociaux, a été retiré à la garde exclusive de sa mère par la justice sous prétexte qu’il n’avait que des modèles féminins (sa mère et sa sœur) et que c’était le manque de son père qui l’avait « corrompu ». Le gamin de 13 ans avait donc été placé en foyer ! Guillaume va donc, sous la plume de l’auteur, subir la même bêtise.


Ils vont tuer vos fils / Guillaume Perilhou – aout 2022 – 160p