Une lecture difficile car bouleversante ! Les auteurs racontent le camp de Drancy, l’enfer où neuf juifs déportés sur dix ont séjourné pendant la Seconde Guerre Mondiale.
En France, à l’entre-deux-guerres, les HBM (Habitations à Bon Marché) ancêtres de nos HLM fleurissent. Aux portes de Paris, à Saint Denis, deux architectes français font sortir de terre entre 1931 et 1934 La cité de la Muette, un concept moderne, 1250 logements dans des barres d’immeubles implantées en U. La guerre interrompt la construction mais le gros œuvre est terminé et convient parfaitement à l’armée allemande qui réquisitionne, en 1939, les bâtiments pour en faire un camp d’internement.
La BD qui s’ouvre sur une chanson de Trenet La romance de Paris, et puis le 20 aout 1941 tôt le matin, les forces de police française encadrées par les militaires allemands sur ordre du SS Theodor Dannecker, quadrillent le quartier le 11° arrondissement de Paris ; ils arrêtent tous les hommes juifs de plus de 16 ans. Ils partent confiants emportant quelques affaires en promettant à femmes et enfants de revenir bientôt. Ils sont internés à Drancy dans des conditions abominables qui vont se détériorer au fil des jours : la violence des gardes, le manque de nourriture, et d’hygiène, les hommes sont entassés à quarante par pièce sans mobilier, les contacts avec l’extérieurs sont interdits. Affaiblis, malades, affamés, humiliés, les hommes dépérissent. Le 1er octobre 1941 la Croix Rouge est enfin autorisée à entrer et découvrent l’horreur du camp. La soupe s’épaissit, les prisonniers ont droit à une gamelle et une cuillère, et veulent croire à une amélioration de leurs conditions de détention. Hélas, la grippe tue mais moins que les allemands qui fusillent les communistes et aléatoirement en représailles aux actes de résistance, qui déportent, envoient vers les camps d’extermination. Eté 42, les rafles s’intensifient, des familles entières sont arrêtées, Drancy voit arriver un flot de femmes, d’enfants, de vieillards. Certains prisonniers retrouvent leurs proches, c’est déchirant ! Mais l’horreur continue, les convois vers Auschwitz s’accélèrent : les allemands réclament à la France de plus en plus de juifs. Le 17 aout 1944, les allemands fuient le camp à pied, l’armée allemande est en déroute, la guerre est perdue. Il faudra attendre le 20 aout pour que les derniers prisonniers quittent Drancy.
On suit un groupe d’hommes dès leur emprisonnement, certains auront plus de chance que les autres. J’ai lu cette BD avec une boule au ventre et les larmes aux yeux. La monochromie et le choix de la couleur bleue ajoutent à l’accablement. Le texte est limpide, essentiel, sans drame. La dernière page est poignante. Je n’ose pas dire que c’est un coup de cœur, ce serait sans-doute déplacé. Mais elle doit être lue impérieusement !
#LaMuette #NetGalleyFrance
La Muette / Valérie Villieu (texte) et Simon Géliot (illustrations) – Editions La boîte à Bulles – mars 2025 – 250p.