Les saules bordent la rivière où est découvert le corps de Marie, 17 ans, une fille du coin. Tout le monde la connait Marie, c’était la fille dévergondée du pharmacien, elle portait bien le surnom qu’on soufflait sur son passage « Marie couche-toi-là ». Et ce n’était pas qu’une rumeur, Marie assumait sa sexualité précoce tout en rêvant de se refaire une virginité quand elle quitterait ce patelin car Marie avait des rêves. C’est André le policier du village et Arlette fraichement débarquée sur ordre du juge qui vont se charger de l’enquête. Mais dans ce premier roman noir social, le meurtre de la jeune fille est un prétexte pour aller à la rencontre des habitants de ce village breton très ancré dans sa ruralité. L’enquête n’est pas au centre de l’histoire, d’ailleurs on ne sait rien d’Arlette et bien peu d’André. Le centre de l’histoire c’est l’hostilité qui sépare La Basse Motte et La Haute Motte, en plus de la route. Les inimitiés, les rancœurs, les jalousies, la colère voire la haine séparent ceux du Haut et ceux du Bas, les riches et les pauvres, ceux qui partent, ceux qui restent et ceux qui sont revenus. Ceux qui s’agrandissent, ajoutent des terres à leurs terres pour s’enrichir et les autres qui s’accrochent à leur lopin quitte à se mettre hors la loi, comme les parents de Marguerite. Marguerite va à l’école sans entrain, les autres se moquent d’elle, la rudoient parce qu’elle est crasseuse à faire peur, qu’elle sent mauvais, qu’elle porte des guenilles. Marguerite ne parle pas, elle se tait et se terre, elle observe et elle sait. Elle a vu Marie au bord de la rivière mais chez eux on ne dit rien, on se mêle de ses affaires, on met dans sa poche le mouchoir par-dessus (comme disait ma grand-mère).
Alors pendant 271 pages, on écoute Elisabeth et Gilles les parents de Marie qui ont de grands airs et que personne n’apprécie vraiment, Damien le fils du garagiste amoureux fou d’elle, Caroline l’ex meilleure copine, Didier le chauffeur de bus au passé trouble qui aimait bien la reluquer, Julien le jeune pompier que la mère de Marie a giflé en plein bal du 14 juillet, Mimi qui tient le bar, Paulette la femme de ménage de ceux d’en haut qui en sait des choses et qui aime colporter des cancans et tous les autres… raconter leur vérité à André et Arlette. On suit surtout l’attachante Marguerite dans ses escapades qui la ramènent toujours au bord de la rivière sous les saules.
Je ne lis pas de roman policier car les enquêtes ne me passionnent pas mais quand Babelio m’a proposé cet envoi, j’ai accepté pour sortir un peu de mes sentiers battus. Je ne regrette pas du tout, l’autrice dresse une très intéressante galerie de personnages.
Un très bon roman ♥
Les Saules / Mathilde Beaussault – Editions du Seuil – janvier 2025 – 271 pages