Je n’ai pas lu un récit, ni un témoignage, ni un essai. J’ai eu l’impression de « lire » un peu tout ça mélangé, une conversation, une réflexion, comme si l’autrice me parlait de l’inceste, à travers son expérience bien sûr, mais aussi en citant quelques autrices, d’autres écrits, d’autres histoires. L’autrice m’a livré, en toute sincérité et avec vérité, ce qu’elle pensait de l’inceste, comment il pouvait être vécu, comment il « construisait » les victimes, le tout avec une certaine distance d’où s’échappe parfois, toute maîtrisée, la douleur d’une femme qui regarde la petite fille qu’elle a été.
J’en ressors tourneboulée parce que je n’arrive pas vraiment à mettre de mots sur cette lecture prégnante. D’habitude, les histoires d’inceste me bouleversent, me mettent en rage, me laissent pantelante (parce que j’ai 4 enfants, 2♀ et 2♂ ?). Mais Triste tigre est différent, parce qu’on sent que ce n’est pas une thérapie, ni un désir de vengeance, ce n’est pas pour se consoler, ni pour enseigner, il n’y a pas de compte à régler, c’est juste posé là pour être lu et ça résonne pour moi dans cette phrase page 113 » Je suis comme ci et comme ça, et tous ces ci et ça dérivent directement de l’enfance que j’ai eue. »
Triste tigre / Neige Sinno – Editions P.O.L – aout 2023 – 288p