Je voulais le lire ce roman même si je n’ai aucun souvenir de cet évènement qui a eu lieu en juillet 2018. Les sœurs Khatchaturian, Krestina, Anguelina et Maria, 17, 18 et 19 ans, ont assassiné leur père. L’une l’a aspergé de bombe lacrymo, la deuxième l’a frappé avec un couteau de cuisine et la dernière lui a asséné des coups de marteau sur le crâne. Puis elles se sont laissé glisser contre le mur de leur appartement moscovite et ont attendu la police, baignées dans une mare du sang de leur bourreau. Mikhaïl Khatchaturian était une ordure, à la maison, il punissait, insultait, humiliait, battait, torturait, violait, sa femme et ses enfants. Mais à l’extérieur, il était parfait dans son rôle de prédicateur, aidant son prochain, distribuant argent et accolades. Depuis qu’il avait jeté sa femme et son fils dehors, c’était pire encore pour les 3 sœurs. Quand Mikhaïl Khatchaturian a été hospitalisé pour dépression, elles ont enfin respiré, toute étonnées de voir leurs amis installés dans le fauteuil du père à boire des bières, à discuter et à rire. Alors quand il est revenu à l’appartement, en un regard, elles ont su qu’elles ne supporteraient plus.
Un fait divers sordide dans un pays où les violences conjugales doivent être réglées à la maison. Un pays où le patriarcat règne en maître dès qu’il s’agit d’affaires familiales. Un pays où la police ne se déplace pas lorsqu’une femme appelle au secours sous les coups de son mari. Un pays où une loi favorise la dépénalisation des violences domestiques depuis 2017. Un pays où on console les femmes battues avec ce proverbe « s’il te bat, c’est qu’il t’aime ». Heureusement l’histoire des trois sœurs a provoqué une vague de compassion et d’indignation chez une partie de la population russe qui voudrait voir évoluer les lois de leur pays et la prise en charge de ce fléau.
L’autrice a imaginé le calvaire des sœurs sans voyeurisme, sans descriptions glauques. Elle nous plonge dans ce pays qui divise, elle fait un parallèle avec ce qu’elle a vécu en Russie, un pays qu’elle aime et dont elle a étudié la langue. Elle y avait eu une relation amoureuse avec le complexe Mitia, qui l’aimait passionnément en société, tout en l’insultant en tête à tête. Un excellent premier roman !
Trois soeurs / Laura Poggioli / Editions L’Iconoclaste – aout 2022 – 320p