Lola lit Se taire

Dans Se taire, la victime 20 ans, jeune photographe, est venue faire des photos du Nobel chez lui, pour un prestigieux journal, lorsque celui-ci la contraint à une relation sexuelle. Mathilde en parle à sa famille, mais son célèbre père fils d’un célèbre poète, la met en garde contre un dépôt de plainte. Ce monde de paillettes est peuplé de requins, de sauvages, d’envieux qui vont saisir cette chance pour mettre à terre et traîner dans la boue son illustre famille, un déferlement de haine risque de s’abattre sur eux par sa faute, aura-t-elle les épaules pour supporter cette violence, ces humiliations ? Alors Mathilde se tait. Elle se tait et se terre, change de métier, et se marie.Et puis un jour, elle confie son lourd secret à son époux qui crie, se fâche, et la pousse à porter plainte. Au commissariat, le policier lui conseille de faire juste une main courante, qui engage moins qu’une plainte qui pourrait avoir des conséquences terribles, en effet pourquoi porter plainte si longtemps après ? Elle doit encore réfléchir, le temps passe. Et puis un jour, l’affaire parait au grand jour.

A l’heure de #balancetonporc et #metoo, Mazarine Pingeot s’est inspirée, pour écrire ce roman, de l’actualité mais peut-être aussi, bien qu’elle s’en soit défendue, de sa cousine Pascale Mitterrand qui, en 2008, avait déposé plainte contre Nicolas Hulot pour un viol commis en 1997, chez lui, alors qu’elle était jeune photographe. Comme Mathilde, elle a changé de métier, comme Mathilde elle s’est tue longtemps, comme Mathilde, ce n’est pas elle qui a décidé de rendre publique son histoire. Il y a de nombreuses similitudes c’est vrai. Mais finalement les histoires de viols ne sont-elles pas toutes un peu les mêmes ? Des femmes contraintes d’avoir des relations sexuelles avec des hommes qui profitent de leur force physique, de leur influence, de leur notoriété… Un livre nécessaire pour comprendre pourquoi certaines choisissent de se taire sans que cela amoindrisse leur douleur. Celles qui crient au crime n’ont pas forcément plus souffert que les silencieuses.


Se taire / Mazarine Pingeot – Editions Julliard – août 2019 – 277p