Lola lit Vous parler de mon fils ♥

Philippe Besson nous livre cette fois, le long monologue d’un père qui a perdu son fils de 14 ans. Hugo s’est suicidé, Hugo était harcelé au collège : insultes, humiliations, coups, cyberharcèlement… Hugo avait fini par se confier à ses parents, la souffrance était insupportable. Au début, son père avait un peu minimisé, « c’est normal entre mecs à cet âge de se chamailler, ça va passer« . Mais sa mère avait vite compris que c’était bien plus grave. Alors, ils ont essayé de protéger leur fils, sans trop savoir comment s’y prendre ; écouter Hugo qui les suppliait de ne pas en parler de peur de passer pour une balance et alimenter la haine des harceleurs, ou protéger leur enfant en dénonçant la situation, en frappant à toutes les portes, en criant pour se faire entendre. Ils ont fait ce qu’ils ont pu. Mais les bourreaux n’avaient déjà plus de limites, et Hugo plus la force.

Comme c’est difficile à lire, comme c’est difficile à imaginer ! J’ai pleuré beaucoup beaucoup pendant ma lecture, j’ai terminé le roman en quelques heures seulement, dans l’urgence. On suit le chemin de la pensée de ce père effondré, dévoré par le chagrin, mangé par la culpabilité, qui sait qu’il ne se remettra jamais de ce drame, et en arrière plan, cette maman dévastée. Et même si la vie continue, la leur est brisée.

Cette fois encore Philippe Besson a trouvé les mots justes pour raconter ce drame terrible, il réussit à entrer dans la peau de ce père anéanti avec beaucoup de pudeur et de retenue. Un roman puissant et bouleversant qui aurait pu s’intituler Vous parler de nos fils tant ce sujet peut toucher chacun de nous. Il fait écho à Un printemps en moins de Arnaud Dudek qui traite du même sujet du même point de vue du père, mais de façon assez différente.

Je remercie NetGalleyFrance et les éditions Julliard qui m’ont permis de lire ce roman dès sa sortie.


Vous parler de mon fils / Philippe Besson – Editions Julliard – janvier 2025 – 208p

#Vousparlerdemonfils #NetGalleyFrance

Lola lit Oscar et la Dame Rose en BD

J’ai lu le roman de E.E. Schmitt il y a longtemps et j’en garde un souvenir évasif, profondément triste mais lumineux. J’ai été contente de retrouver cette coquine de Mamie Rose qui s’était inventé une carrière de catcheuse pour amuser Oscar ce petit garçon qui m’avait tant émue. Il me semble que dans le roman, Mamie Rose rendait visite à Oscar à l’hôpital, et qu’elle l’accompagnait jusqu’à son dernier jour. Dans la BD elle convoque ses souvenirs avec ce petit garçon espiègle qui avait bouleversée sa vie. Il lui rend visite en songe alors qu’elle relit les lettres qu’il avait adressées à Dieu. Pourquoi écrire à quelqu’un qui n’existe pas ? lui avait  demandé Oscar. Pour te sentir moins seul, lui avait-elle répondu.

J’ai perdu un proche l’été dernier et bizarrement alors que nous n’avions jamais eu de discussion sur la religion, je me suis demandé s’il aurait eu envie de se rapprocher de Dieu ; peut-être qu’à ce moment-là, quand on sait qu’on va mourir, qu’est-ce que ça coute d’y croire un peu ?

La naïveté du trait et la douceur des couleurs n’empêchent pas les questions existentielles que soulève le texte. Impossible de rester indifférent à cette bande dessinée, aux personnages plein de tendresse, à l’injustice de la maladie, au désespoir des parents, à l’impuissance des médecins… Et au courage des Mamies Rose qui entourent les petits malades, leur rendent visite, les consolent et les font rire… Je pense à mon amie Jac qui a vu s’éteindre les petits qu’elle a accompagnés jusqu’au bout ♥


Oscar et la Dame Rose / adapté du roman de E.E. Schmitt / Dessins de Valerie Vernay – Texte de Vincent Zabus – Editions Albin Michel – septembre 2024 – 144p.

Lola lit Traverser les montagnes et venir naître ici ♥

La rencontre inattendue de deux femmes dans le Mercantour aujourd’hui. Elles ont chacune de leur côté traverser des montagnes pour atterrir dans ce coin reculé, perdu en altitude. Astrid est venue s’isoler du monde, brisée par un deuil tragique quand la toute jeune Soraya a fui son pays en guerre. Soraya seule, perdue dans la neige va donner naissance à une petite fille avec l’aide d’Astrid. Elles vont s’installer dans cette petite maison et essayer de se reconstruire.

C’est un livre poignant et tellement beau. Entre rires et larmes, on partage ces moments d’amitié, de doutes, de douleur et surtout d’espoir, dans cette nature si rude et indifférente au chagrin. Cachée au milieu des lourds secrets, une petite lueur brille sans ostentation, sans éclat, pourquoi pas une belle histoire qui finirait bien ? On s’accroche à cette idée et on veut y croire malgré la folie des Hommes.

Mon premier roman de cette autrice bien que ses autres titres soient en bonne place dans ma trop longue PAL. Il m’a donné envie de lire les précédents et les suivants !

Un joli coup de cœur ♥


Traverser les montagnes, et venir naître aussi / Marie Pavlenko – Editions Les Escales – aout 2024 – 352 p.

Lola lit La méduse noire

Avril 1962 sur le bateau qui le ramène d’Algérie, Eddie Poujol, 20 ans, échange un serment avec Jeff son ami d’armes. Eddie s’apprête à rejoindre la demeure familiale du Vigan, à renouer avec son père des relations très compliquées. Mais dans le train du retour au départ de Marseille, Eddie croise le chemin d’Agnès qui vient de se libérer de son compagnon. C’est le coup de foudre, Eddie s’invente banquier, riche, parisien, un peu chanteur aussi : ils montent à Paris et se marient.

Mais Eddie, bien que charmeur, attentionné et amoureux, cache une part d’ombre et les clefs de sa cantine métallique qui trône au milieu de l’entrée de leur appartement parisien. Quels sont les démons d’Eddie et les secrets familiaux enfouis, qui est cette méduse noire qui rode ?

Il est beaucoup question d’amour dans ce roman, Eddie est au centre de toutes les attentions et on craint le pire. Car on le pense capable du pire, tout comme son frère et son père. J’ai appris après ma lecture que La méduse noire était la suite de D’où vient l’amour paru en aout 2022 et que je n’ai pas lu. Ce qui me réjouit car j’avais envie d’en savoir plus sur cette famille Poujol. Bon j’avoue que je n’ai pas toujours tout compris, il n’y a pas qu’Eddie qui a une part d’ombre dans cette histoire, certains passages obscurs m’ont laissée perplexe mais il faut parfois accepter d’être un peu largué n’est-ce pas ? haciendo muecas emojis torpe emoticon con apretado dientes. mano ...


La méduse noire / Yann Queffelec – Editions Calmann-Levy – aout 2024 – 368 pages

Lola lit Sur l’île ♥

Une île qu’on imagine galloise, proche du continent, peuplée de quelques irréductibles pêcheurs de homards et de leurs jeunes enfants, « douze familles plus le pasteur et Lukazh, le polonais qui travaille au phare« . Mais l’île, cinq kilomètres de long et trois de large, est une prison que Manod a hâte de quitter comme tant d’autres. Rejoindre le continent, étudier, enseigner, gagner de l’argent et vivre. Manod est née le 20 janvier 1920 et nous sommes en 1938, la guerre approche et le père de Manod aimerait la marier à un gars du coin. Le roman commence en septembre, une nuit où s’échoue une baleine sur la plage, cette carcasse va accompagner notre lecture jusqu’à la fin du roman en décembre. Un jour d’octobre Edward et Joan, deux jeunes universitaires, débarquent sur l’île ; ils voudraient écrire un livre documentaire sur l’île et ses habitants. Manod, la seule à parler correctement anglais, leur servira d’interprète. Au fil de leurs rencontres, le désir de fuir l’île emplit Manod, et elle croit aux promesses voilées d’Edward, qui trouve la jeune fille brillante et charmante.

Un premier roman surprenant à l’ambiance très particulière ; on ressent les embruns, l’odeur de poissons et la rudesse du tissu des robes des femmes. Les chapitres sont courts et, malgré la monotonie de la vie sur l’île, assez rythmés. L’arrivée des anglais bouleverse la vie de Manod mais elle est assez intelligente et lucide pour se rendre compte qu’ils considèrent les habitants de l’île comme des frustres et qu’ils l’utilisent.

C’est triste et cruel, c’est beau et bouleversant ! Un coup de cœur ♥ Vivement le prochain roman de cette jeune autrice anglaise.


Sur l’île / Elizabeth O’Connor – Edition JC Lattès – mai 2024 – 272 p.

Titre original Whale Fall traduit de l’anglais par Claire Desserrey

Lola lit La rentrée sans tête

Max est un petit garçon distrait, sa maman lui dit souvent « Eh ben alors, tu as perdu ta tête ? ». Alors la veille de la grande rentrée au CP, Max est inquiet et impatient aussi. Heureusement il retrouve son copain Théo sur le chemin et surtout il n’a pas oublié sa tête qui est bien posée sur ses épaules.

Et nous voilà de retour à l’école ! Notre premier jour ou le premier jour de nos enfants, de nos petits-enfants à la grande école : c’est vraiment quelque chose, cela provoque des émotions fortes, des sentiments contrastés, pour les enfants et pour les parents. Entre joie, impatience et angoisse, quelle aventure !

Cet album est un vrai guide, à lire ensemble pour préparer cette journée si particulière, puisque dès la veille de la rentrée, Max met en place des petites choses. Et puis, la journée est séquencée, donnant quelques repères. Les autrices dédramatisent ce grand moment, important certes, mais pas grave. La journée passe et c’est bientôt l’heure des parents. Alors Max aura-t-il oublié quelque chose à l’école ?

Après La sixième, Susie Morgenstern accompagne les plus petits pour la rentrée au cp. J’aime bien ce type d’illustrations, ses petits visages ronds, simples et très expressifs, c’est un vrai plaisir de s’attarder sur les détails. Quant au texte l’accent est mis sur le fait d’oublier, que ce soit sa tête pour Max, une ardoise pour Julie, un stylo pour un autre… Et puis la maîtresse en remet une couche avec le livre à ne surtout pas oublier pour le lendemain. Finalement, c’est un peu pesant, quelle pression ! Moi récemment  j’ai oublié mes lunettes pour aller au boulot, alors que je ne vois rien sans. Et une fois, je me suis rendu compte sur le chemin du travail que j’étais en chaussons, j’avais oublié de mettre mes chaussures. Ca m’a fait rire ! J’oublie souvent ce que je suis venue chercher dans la cuisine, et où j’ai mis mes clefs. Alors cet album m’a un peu oppressée 🙂 Ma grand-mère disait très justement Quand on n’a pas de tête, on a des jambes !


La rentrée sans tête / Susie Morgenstern (texte) – Eglantine Ceulemans (illustrations) – Editions Les Arènes jeunesse – août 2024 – 40p

Lola lit Danse avec tes chaînes ♥

Michel, Patricia, Marie-Thérèse et Joseph font partie des 2000 enfants réunionnais qui, entre 1962 et 1984, ont été retirés à leurs parents et emmenés en métropole pour repeupler certains départements ruraux victimes de l’exode rurale. Les enfants étaient déclarés Pupilles de l’Etat et leurs parents n’avaient plus aucun droit sur eux. Les services sociaux assuraient alors qu’ils partaient pour une vie meilleure, une bonne éducation, qu’ils seraient élevés dans des familles aimantes et reviendraient de temps en temps sur l’Ile. Malheureusement, ces jeunes enfants ont surtout servi de main-d’œuvre exploitée et gratuite dans les fermes. La plupart ont subi des sévices, comme Marie-Thérèse et Joseph, rebaptisés Marie et Florent par les fermiers René et Martine Brouillet qui vont les battre, les affamer et les faire travailler jusqu’à l’épuisement. C’est leur vie que l’autrice, journaliste, raconte dans son premier roman par la voix de Marie-Thérèse, enfant à Ceyroux dans la Creuse et lorsqu’âgée et malade, elle revient à la Réunion pour participer à un événement commémoratif.

Un excellent roman parfaitement documenté. L’écriture est agréable, les poèmes de Joseph Gosse que l’autrice a glissé entre les pages du roman ajoute beaucoup de profondeur et de force à ce texte. L’histoire est glaçante car l’autrice ne l’a pas exagérée, les témoignages des « enfants de la Creuse » sont terribles. Il n’est pas difficile d’imaginer la souffrance, le chagrin de ses petits, arrachés à leurs mamans, le plus souvent séparés de leurs frères et sœurs, dans un pays hostile et froid où ils sont moqués, maltraités sans aucun espoir de retrouver leurs familles. Un livre à lire pour ne pas oublier !


Danses avec tes chaînes / Anaëlle Jonah – Editons Fayard – août 2024 – 470 pages

 

Lola lit Long Island

Eilis Lacey est irlandaise et a émigré aux USA dans les années 50 pour trouver un boulot (aventure racontée dans Brooklyn, paru en 2009). Une vingtaine d’années plus tard, on la retrouve dans un quartier pavillonnaire de Long Island, mère de famille confortablement intégrée, mariée à Tony un plombier italien, mère de deux ados et appréciée dans son travail.

Un jour pourtant, un homme frappe férocement à sa porte, il lui apprend être le mari de la femme que Tony a mise enceinte et lui promet de leur déposer le bébé dès sa naissance. Sonnée Eilis ne parvient pas à engager la conversation avec son mari qui fuit la confrontation. Mais lorsqu’elle apprend que sa belle-mère a décidé de garder l’enfant et que toute la belle-famille est au courant et d’accord, elle décide de partir. Sa mère fête bientôt ses 80 ans, l’excuse est toute trouvée, Eilis s’envole à Enniscorthy, en Irlande sur les terres de son enfance mais pas seulement. Car quelques années avant nous raconte Brooklyn, un été, suite à un drame familial, Eilis avait dû revenir auprès de sa famille, elle avait caché être mariée et elle avait eu une relation avec le beau Jim Farrell. Mais Tony l’attendait en Amérique et elle avait fui sans une explication, sans se retourner, laissant le pauvre Jim avec ses questions et son chagrin. Alors évidemment son retour, seule avec ses enfants fait parler car dans cette petite ville, tout le monde se connait et sait tout de tous. Comment va-t-elle se sortir de ces situations ? Rester en Irlande, retourner aux USA ? Jim, Tony ? Et ce bébé ? Eilis va devoir répondre à beaucoup de questions.

Un de ces romans sur lesquels parfois j’ai envie de tomber. C’est un plaisir à lire parce que la construction n’est pas tarabiscotée, la langue non plus, on comprend vite et bien, les personnages nous ressemblent, les émotions, les sentiments sont universels. Il n’y a pas d’effort à fournir, comme un bon « film pas prise de tête » à la télé. 400 pages avalées d’un coup, c’est bon signe et puis la dernière page tournée, on ne se fait plus de souci pour les personnages, on a passé un bon moment et on le garde en tête pour le conseiller à une copine comme un chouette bouquin.

Je n’avais pas lu Brooklyn avant et ça ne m’a pas gênée du tout, mais maintenant j’ai envie de le lire !


Long Island / Colm Toibin – Editions Grasset – aout 2024 – 400p

Lola lit L’éclipse

Une éclipse, c’est « la disparition temporaire d’un astre dans l’ombre ou la pénombre d’un autre », nous dit le Larousse.
Pourquoi Camille disparait un jour lors d’une balade familiale en forêt, abandonnant son bébé Rose et son mari ? On ne peut que l’imaginer car ce n’est pas du tout le propos.
Dans ce roman, c’est le parcours de Camille qui intéresse l’autrice, le chemin qu’elle emprunte au sens propre et figuré pour se (re)construire. Et c’est au Nord de la planète, dans un pays lointain qui n’est pas révélé mais qu’on devine être l’Islande, que Camille va se ressourcer isolée au cœur d’une nature sauvage et rude où elle va (re)prendre (sa) vie au pied d’un volcan.

Une femme qui abandonne son enfant est folle, droguée ou perdue, pourtant ici on ne juge pas. Camille est un personnage de roman auquel on s’attache. Evidemment au début de l’histoire on a une pensée pour Rose et son papa, on imagine toutes les émotions par lesquelles passe la famille, on réfléchit à la gestion de ce genre de crise et puis on accompagne Camille une johatsu française dans son évaporation d’abord puis pas à pas dans sa reconstruction.

Et puis qui n’a jamais pensé à disparaitre un jour ? Un roman à lire !


L’éclipse / Sarah Bussi – Editions Julliard – aout 2024 – 256p

Lola lit La fille du miroir

La fille du miroir s’appelle Charlotte et le roman s’ouvre sur une scène de violences conjugales, son compagnon l’a bien amochée, ce sera la dernière fois. Charlotte fuit, elle ne figurera pas sur cette liste terrifiante des femmes mortes sous les coups d’un homme. Aux urgences où elle est prise en charge directement grâce à dispositif expérimental, Charlotte raconte, elle retourne sur les chemins de son adolescence puis marche dans ses pas d’étudiante jusqu’à son entrée fracassante dans sa vie d’adulte. Charlotte a traversé des périodes difficiles, très difficiles voire insurmontables. Et comme la plupart des gens, elle les a surmontées parce que Charlotte est une femme de tempérament, une femme forte et libre. Alors comment en est-elle arrivée à accepter l’intolérable ?

De Cathy Borie, je n’ai lu que Ana, que j’avais beaucoup aimé ♥ Cette fois encore, c’est un beau portrait de femme que nous livre l’autrice, une femme comme une autre, avec des joies et des peines, des drames mais qui, à un moment de sa vie, perd pied et ploie sous les coups d’un homme. Un roman dans lequel on s’intéresse plus à la victime qu’au bourreau, et avec empathie on s’attache à Charlotte et grâce à elle à toutes les autres femmes victimes des hommes.

Quel drôle de monde où certains hommes pensent avoir le droit de brutaliser, de violer, de battre à mort, leur femme, leur ex-femme, la femme qui les quitte, la femme qui les trompe, la femme qui ne veut pas d’eux ! Où à certains endroits de la planète, les femmes n’ont pas le droit de marcher seules dans la rue, d’étudier, de se soigner, ni même de parler dans la rue, parce qu’ainsi l’ont décidé certains hommes ! Quel triste monde 🙁


La fille du miroir / Cathy Borie – Editions Rémanence – juillet 2024 – 230p