Chaque couverture cache mon avis sur le livre ♥
Madelaine est arrivée devant la ferme juste avant l’aube. La vieille Rose et Bran avait senti sa présence, Rose avait mis dehors une soucoupe de pain mouillé pour l’attirer. Madelaine est une petite fille seule, affamée, sortie de l’obscurité de la forêt, un cadeau du ciel pour Ambre qui souffre de ne pas être mère et qui regarde les fils de sa sœur jumelle Aelis avec douleur. Aux Montées, il y avait 3 fermes ; celle de Rose, celle de Ambre et son ivrogne de mari Léon, et enfin celle d’Eugène, Aelis et leur 3 fils Germain, Artaud et le petit dernier Mayeul. Madelaine trouve une famille aux Montées ; sa beauté, sa naïveté, sa liberté, son énergie réveille ce petit monde soumis au maître d’Ambroisie, impitoyable propriétaire des terres qui les taxe, les frappe, les tue et viole les femmes. Mais la petite Madelaine ne comprend pas pourquoi il faut craindre le maître, elle n’a pas peur, alors elle désobéit et s’oppose, jusqu’au drame. Dans ce monde rural isolé, les paysans sont soumis aux maîtres, au labeur, à la météo, à la nature ; les assiettes sont souvent vides et les couches gelées. Ce roman, c’est l’histoire du Monde : injustice, douleur, violence, mort et au milieu l’amour et l’émotion de petits bonheurs.
Décidément, j’aime l’écriture et les histoires de Sandrine Collette ♥ Je me suis régalée avec On était des loups et Et toujours les forêts, il m’en reste pas mal à lire ♥
Madelaine avant l’aube / Sandrine Collette – Editions JC Lattès – aout 2024 – 252p
Le premier roman d’Alice Develey, journaliste littéraire au Figaro, est un roman très intime, puisqu’il est nourri de son expérience. Alice a 14 ans et elle est anorexique. Le remplaçant de son médecin traitant décide un jour de son hospitalisation. Une annonce brutale, incomprise mais indiscutable, Alice pèse 36kg et sa vie est en danger. Alice rejoint donc le service pédiatrie de l’hôpital, elle partage un dortoir avec d’autres « oiseaux tombés du ciel », écrasés par le poids de leur trouble alimentaire, coupés de leur famille, de leurs ami-e-s, exfiltrés de leur vie. Chaque bouchée avalée, chaque kilo gagné donne droit à une récompense : visite, une sortie. Le mal d’Alice porte un nom : elle l’a prénommé Sissi, la voix qui l’emplit, l’exhorte à ne pas manger, à disparaître. Alice pour supporter tout ça ou parce que c’est insupportable enfonce des lames profondément dans sa chair. Mais elle subit aussi la violence de l’hôpital, attachée, entravée, droguée (Risperdal Xanax, Tiapridal) Difficile d’endurer cet enfermement malgré l’amitié de Luce, Solène, Adèle, Candice…
Ce livre n’est pas un témoignage au sens où on l’entend, l’autrice ne raconte pas son enfermement, mais il témoigne de la violence de cette maladie et de la prise en charge des patient-e-s par les soignants au pire maltraitants au mieux indifférents ; certaines scènes sont éprouvantes, insoutenables. Mais Alice s’en est sortie, Alice a réussi à faire taire Sissi. Un roman différent, déchirant et nécessaire !
Tombée du ciel / Alice Develey – Editions de l’Iconoclaste – aout 2024 – p196
Juliette parisienne trentenaire vient passer quelques jours chez son père dans sa ville natale. Sa chambre d’ado n’a pas changé, son père est toujours un peu à l’ouest, sa sœur toujours submergée par sa vie de famille et sa mère a trouvé un nouvel amant. C’est dans cette ambiance survoltée que Juliette, fragile, déprimée cherche les réponses à ses angoisses. Au cours de ses flâneries dans les rues de son enfance, des repas partagés avec sa famille, des rencontres improbables, des secrets révélés, des souvenirs familiaux sur les chemins de son passé, Juliette se reconstruit.
Un très joli roman graphique ; le texte, les illustrations, les couleurs, tout est doux, tendre, poétique. La mélancolie se glisse dans les pas de Juliette et entre les pages que l’on tourne doucement pour ne pas l’effaroucher. Une tranche de vie dans une famille de Province, une famille normale finalement, avec des disputes, des jalousies mais des rires, et surtout de l’amour ♥
Juliette, les fantômes reviennent au printemps / Camille Jourdy – Editions Actes Sud BD – février 2016 – 240p
Rebecca Lighieri est le nom d’emprunt d’Emmanuelle Bayamack-Tam. Sous ce nom, elle a écrit une dizaine de romans noirs, sombres, puissants, addictifs, dont Il est des hommes qui se perdront toujours (2020), Les garçons de l’été (2017), Husbands (2013), que j’ai adorés ♥ Cette fois encore, je me suis régalée. Armand et Birge forment un couple idéal. Acteurs de théâtre talentueux flamboyants, appréciés, riches et beaux, ils consacrent leur vie à leur carrière. De cet amour est née Miranda, fille unique, jeune adulte au début du roman. Dans une première partie, Armand nous parle de lui, de son couple mais surtout de sa fille ; frêle, introvertie, timide, sans éclat, fagotée comme l’as de pique, Miranda est loin de l’aura de ses parents. Et son père s’en inquiète quand sa narcissique de mère s’en désintéresse. Dans la seconde partie, c’est au tour de Miranda de se raconter et on découvre une jeune fille bien loin du portrait insipide, morne et ennuyeux dressé au début du roman. Volontaire, manipulatrice, déterminée et dotée de pouvoirs surnaturels, Miranda n’en est pas moins paumée à l’image de Amy Winhouse à laquelle elle s’identifie et le clan des 27 auquel Miranda pense appartenir.
Un coup de cœur ♥ (et j’en suis ravie, tant je déteste être déçue) J’aime tout chez cette autrice, son écriture, sa justesse et la façon dont elle traite la noirceur, avec une sorte de détachement qui me permet de profiter pleinement de l’histoire sans être submergée par des émotions viscérales. Je ne larmoie pas en lisant un roman de Rebecca Lighieri ; je me régale, je me lèche les babines, je me délecte, je savoure. Vivement le prochain ♥
Le club des enfants perdus / Rebecca Lighieri – Editions P.O.L – aout 2024 – 515p
Un roman redoutable comme Cléo Louvent Johnson, l’héroïne de Célèbre, qui depuis sa plus tendre enfance rêve de célébrité : elle sera chanteuse, adulée, starifiée, au sommet, indétrônable, exagérément riche. Cléo a du talent et surtout de l’opiniâtreté. Elle balaiera tout sur son passage, les obstacles comme les rivales, rien ne l’arrêtera pour accéder à son rêve, le rêve de sa vie, l’unique rêve de sa vie. Quand on veut on peut, n’est-ce pas ? Mais cela en valait-il la peine ? C’est la question que se pose Cléo dans les premières pages du roman où elle s’apprête à passer seule trois semaines sur une île déserte perdue au milieu du Pacifique. Quoi de mieux pour une star pour retrouver un peu de tranquillité ? Un petit séjour dans un cabanon sur la plage, sans aucun confort, sans eau potable, sans électricité, et un placard rempli de poisson séché, de riz, de tubercules et de conserves. On est loin des fastes du show biz ! Cléo a payé 500000 dollars pour être enfin… inaccessible.
Puis Cléo revient sur son parcours, son enfance heureuse dans le XVI° parisien entre une mère française statisticienne et un père américain égyptologue. A quatre ans, elle déclare à son père hilare qu’elle veut être aussi célèbre que Céline Dion. Dans son long monologue, elle nous raconte son ascension, dans ce monde rêvé de paillettes, de beauté, de sourires, mais aussi de rivalités, de mensonges, d’artifices, de douleurs et de violence, celle que Cléo s’inflige et qu’elle inflige aux autres parfois. Car Cléo n’est pas une chouette fille, et on se plait à ne pas l’aimer même si on admire sa ténacité et cette réussite qu’elle ne doit qu’à elle-même.
J’avais adoré Mon mari, le précédent et premier roman de Maud Ventura, alors j’attendais celui-ci avec impatience et un peu d’appréhension. Je n’ai pas été déçue ! J’ai retrouvé le mordant de l’autrice. Ici on retrouve le thème de Mon mari, l’obsession, transposé dans un milieu qui fascine.
Je me suis régalée ! Vivement le troisième ♥
Célèbre / Maud Ventura – Editions L’Iconoclaste – aout 2024 – 560p
Les âmes féroces / Marie Vingtras – Editions de l’Olivier – aout 2024 – 272p
Le beau parleur, c’est Vicente Voga surnommé Cent. Aventurier, voyageur au long cours, Vicente est adoré par son petit frère Pedro. Depuis le départ de leurs parents, c’est José l’autre grand frère qui s’occupe de Pedro et des petites jumelles Ana et Ava. Cette fois encore, Vicente rentre sans prévenir, des cadeaux plein son sac et des histoires plein la bouche. Mais ce retour-là va marquer la vie de chacun !
Dès le lendemain de son arrivée, Cent disparaît en volant le bateau de leur frère José. Pedro ne peut pas y croire, il ne veut pas y croire, il ne comprend pas, il y a sûrement une explication. Il part tout seul à la recherche de son frère, ce qu’il va découvrir va le terrifier et le faire grandir. A la fin de la bande dessinée, Pedro n’est plus le petit garçon admiratif, les yeux écarquillés, le sourire collé aux lèvres devant Vicente : ses rêves d’enfants ont été foulés aux pieds, son enfance est partie. Il a dû prendre des décisions, faire face à des dangers, il a été courageux et responsable, c’est lui maintenant le vrai aventurier !
Une bande dessinée attendrissante sur les relations entre deux frères. J’ai beaucoup aimé le trait, les illustrations, les couleurs, (un peu moins le texte) et surtout le personnage de ce petit garçon qui en 204 pages va vivre de grandes aventures.
Le beau parleur / Teresa Radice (texte) et Stefano Turconi (dessin) – Editions Glenat – janvier 2024 – 208p
Pour commencer, j’ai lu le roman de Mélissa Da Costa quand il est sorti en 2019, j’avais conclu mon avis par ♥ Un super premier roman d’une toute jeune auteure à suivre ♥ Je ne m’étais pas trompée, même si moi finalement je ne l’ai pas suivie absorbée par d’autres aventures littéraires, après Les lendemains, j’ai arrêté. Cette BD ne me faisait pas envie, le choix des couleurs criardes et le trait noir épais n’allaient pas du tout avec ce que mon imaginaire avait construit en lisant le roman. Et puis je me suis laissé convaincre par une copine qui m’a assuré que j’oublierai vite que l’illustration ne me plaisait pas. Bilan : non, je n’ai pas réussi à oublier ! J’ai retrouvé l’histoire, mais pas les émotions, pas la beauté des endroits traversés par Emile et Joanne ; il manque la couleur de la terre, de la pierre, de la nature et surtout les nuances de bleu du ciel. Lorsque certains des plus beaux villages de France s’étalent en double page en rose, jaune ou violet, ça ne donne pas du tout envie de les visiter, alors que le roman m’avait convaincue de partir sur les traces des personnages. Bon bah pour moi, c’est raté !
Tout le bleu du ciel / Carbone (texte) et Juliette Bertaudière (dessins) – Editions Albin Michel – aout 2024 – 256p
Deux adolescents, deux histoires, un même lycée.
Un diptyque lié par les personnages.
Sous la forme de journaux intimes illustrés par des œuvres d’art.
Quelques mois dans leur vie.
Djibril, père camerounais et mère bretonne, s’adresse à Souley, son frère aîné, il partage son quotidien, lui raconte sa vie au lycée, avec les copains, avec les filles. Il lui confie ses difficultés, lui parle du silence et de la douleur à la maison depuis son départ.
Au même moment, Prisca commence à écrire le jour de ses 16 ans. Elle aussi partage son quotidien, le corps qui change et le regard des autres sur son corps qui change. Les amitiés, les amours, la vie au lycée et en famille.
Environ 70 pages chacun, deux courts romans qui sonnent juste, qui touchent. L’écriture est fluide et agréable, elle se fait discrète pour aborder les passages les plus délicats. Les deux livres se complètent parfaitement même s’ils peuvent être lus indépendamment. Une jolie découverte !
Prisca – Djibril / Emilie Chazeran – Editions L’Elan Vert – 2023 – 70 pages chacun